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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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de la Table semblaient horriblement proches, comme si on avait pu les saisir en tendant la main.
    L’officier nous expliqua qu’on nous avait amenés sur le rivage pour ramasser du varech. On nous expliqua qu’il fallait ramasser les grands morceaux échoués sur la plage et marcher dans l’eau pour arracher ceux qui étaient attachés aux rochers ou aux coraux. Les feuilles de varech étaient longues, visqueuses et d’une couleur brun-vert. Parfois, un seul morceau mesurait deux mètres cinquante de long et pesait quinze kilos. Après avoir repêché du varech dans les hauts-fonds, nous le mettions en ligne sur la plage. Quand il était sec, nous le chargions à l’arrière du camion. On nous dit qu’on l’expédiait par bateau au Japon, où l’on s’en servait comme engrais.
    Ce jour-là, le travail ne nous a pas semblé trop dur, mais, au cours des semaines et des mois suivants, nous l’avons trouvé pénible. Pourtant cela n’avait pas beaucoup d’importance, parce que nous avions le plaisir de contempler un très beau paysage   : nous regardions les bateaux qui pêchaient au chalut, les pétroliers imposants qui passaient à l’horizon   ; nous contemplions les mouettes qui attrapaient des poissons et les phoques qui jouaient dans les vagues   ; les colonies de pingouins, qui ressemblaient à une brigade de soldats maladroits aux pieds plats, nous faisaient rire   ; et nous nous émerveillions devant le spectacle quotidien de la montagne de la Table dans le soleil, recouverte d’un nuage mouvant.
    L’été, l’eau était merveilleuse, mais en hiver, les courants glacés de Benguela transformaient la marche dans l’eau en torture. Les rochers du rivage étaient déchiquetés et nous nous coupions et nous écorchions souvent les jambes en travaillant. Mais nous préférions la mer à la carrière, bien que nous n’y passions jamais plus de quelques jours à la fois.
     
    L’océan était un vrai coffre au trésor. Je trouvais de très beaux morceaux de corail et des coquillages compliqués que je rapportais parfois dans ma cellule. Une fois, quelqu’un découvrit une bouteille de vin, enfoncée dans le sable, avec le bouchon. On me dit par la suite qu’il avait un goût de vinaigre. Jeff Masemola, un membre du PAC, était un artiste et un sculpteur de talent et il avait le droit de rapporter des bois flottés dans lesquels il sculptait des personnages fantastiques que les gardiens lui achetaient parfois. Il me fabriqua une bibliothèque dont je me suis servi pendant des années. Les autorités disaient aux visiteurs qu’elles me l’avaient fournie.
    L’atmosphère sur la côte était plus détendue qu’à la carrière. Nous aimions aussi le bord de mer parce que nous y mangions très bien. Chaque matin, en y allant, nous emportions un grand fût d’eau douce. Plus tard, nous en avons pris un second que nous utilisions pour préparer une sorte de ragoût de fruits de mer de Robben Island avec des palourdes et des moules. Nous attrapions aussi des homards qui se cachaient dans les trous de rocher, mais ce n’était pas facile   ; il fallait les saisir fermement entre la tête et la queue, sinon ils se libéraient en se débattant.
    Je préférais les ormeaux, ou ce que nous appelions perlemoen. Les ormeaux sont des mollusques qui se collent aux rochers et il faut les soulever pour les détacher. C ’ étaient des créatures entêtées, difficiles à ouvrir et, légèrement trop cuits, on ne pouvait plus les manger.
    Nous mettions nos prises dans le second fût. Wilton Mkwayi était le chef cuistot et préparait le ragoût. Quand c’était prêt, les gardiens se joignaient à nous et nous nous asseyions tous ensemble pour une sorte de pique-nique. En 1973, par un journal passé en fraude, nous avons appris le mariage de la princesse Anne et de Mark Phillips, et l’histoire détaillée du repas de noce composé de mets rares et délicats. Dans le menu, il y avait des moules, du homard et des ormeaux, ce qui nous a fait rire   ; nous en mangions chaque jour.
    Une fois, nous étions sur la plage en train de manger notre ragoût quand le lieutenant Terblanche, qui dirigeait la prison, nous a rendu une visite surprise. Rapidement, nous avons fait semblant de travailler, mais il n ’ a pas été dupe. Il a vite découvert que le deuxième fût contenait des moules qui bouillaient sur le feu. Le lieutenant a soulevé le couvercle et a regardé à l ’ intérieur. Il a pris une moule, l

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