Un long chemin vers la liberte
de l ’ importance accordée à l ’ éducation des Africains, pour laquelle on faisait des dons importants. Mr. Helman, le responsable, était engagé dans la cause des Africains bien avant qu ’ elle ne soit devenue populaire ou à la mode. Son associé, Rodney Michel, un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, était aussi extrêmement libéral. Il était pilote et, des années plus tard, il aida des gens à quitter l ’ Afrique du Sud pendant les pires périodes de répression. Michel n ’ avait qu ’ un seul vice, c ’ était un fumeur invétéré qui allumait les cigarettes l ’ une après l ’ autre tout au long de la journée.
Je suis resté au cabinet Helman et Michel pendant de nombreux mois, tout en étudiant pour passer mon certificat d ’ aptitude grâce auquel je deviendrais avocat en titre. J ’ avais abandonné mes études à l ’ université du Witwatersrand après avoir échoué plusieurs fois à mes examens. J ’ avais choisi de passer le certificat d ’ aptitude afin d ’ exercer et de gagner assez d ’ argent pour entretenir ma famille. A l ’ époque, ma sœur et ma mère habitaient avec nous, et le salaire d ’ élève infirmière d ’ Evelyn ainsi que mon revenu misérable suffisaient à peine pour que tout le monde soit nourri et chauffé.
Après avoir passé mon certificat d ’ aptitude, je suis entré comme avocat en titre au cabinet H.M. Basner. Basner avait été représentant des Africains au Sénat, un des premiers membres du Parti communiste et un partisan passionné des droits des Africains. En tant qu ’ avocat, il défendait à la fois des Africains ordinaires, des responsables et des syndicalistes. Pendant les mois où j ’ ai travaillé au cabinet, je suis souvent allé au tribunal comme avocat de clients africains. Mr. Basner était un excellent patron et, dès l ’ instant où je faisais mon travail, il m ’ encourageait dans mes activités politiques. Après l ’ expérience acquise dans ce cabinet, je me suis senti prêt à voler de mes propres ailes.
En août 1952, j ’ ai ouvert mon propre cabinet. Les premiers succès que j ’ ai connus, je les dois à Zubeida Patel, ma secrétaire. Je l ’ avais rencontrée chez H.M. Basner, où elle remplaçait une secrétaire de langue afrikaans, miss Koch, qui avait refusé de travailler sous ma dictée. Zubeida était la femme de mon ami Cassim Patel, membre de l ’ Indian Congress, et elle n ’ avait absolument pas le sens de la barrière des couleurs. Elle avait beaucoup d ’ amis, connaissait beaucoup de gens dans le monde judiciaire, et quand j ’ ai ouvert mon propre cabinet, elle a accepté de venir avec moi. Elle apporta beaucoup d ’ affaires avec elle.
Oliver Tambo travaillait alors pour le cabinet Kovalsky et Tuch. J ’ allais souvent le voir à l ’ heure du déjeuner, et je m ’ asseyais délibérément sur une chaise réservée aux Blancs dans la salle d ’ attente réservée aux Blancs. Oliver et moi étions d ’ excellents amis et, pendant ces déjeuners, nous parlions surtout des affaires de l ’ ANC. A Fort Hare, il m ’ avait impressionné par son intelligence et ses qualités de débatteur. Avec son style froid et logique, il pouvait démolir les arguments d ’ un adversaire – précisément le genre d ’ intelligence utile dans un tribunal. Avant Fort Hare, il avait été un des brillants élèves de St. Peter, à Johannesburg. Son humeur égale et son objectivité formaient un antidote à mes réactions plus passionnées. Oliver était profondément croyant, et avait pensé pendant longtemps à devenir pasteur. C ’ était aussi un voisin : il était originaire de Bizana dans le Pondoland, une partie du Transkei, et son visage portait les scarifications particulières de sa tribu. Il nous a semblé naturel d ’ exercer ensemble et je lui ai demandé de venir me rejoindre. Quand il a pu se dégager, nous avons ouvert notre propre cabinet au centre de Johannesburg.
« Mandela et Tambo », pouvait-on lire sur la plaque de cuivre fixée sur notre porte, dans Chancellor House, un petit bâtiment en face des statues de marbre qui se dressaient devant le tribunal de Johannesburg. Notre immeuble, que possédaient des Indiens, était un des rares endroits dans lequel les Africains pouvaient louer des bureaux en ville. Dès le début, le cabinet Mandela et Tambo a été assiégé par les clients. Nous n ’ étions pas les seuls avocats africains du
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