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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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m ’ a représenté. A l ’ audience, le président a critiqué la conduite du juge et a ordonné que quelqu ’ un d ’ autre entende l ’ affaire.
    Etre avocat ne garantissait pas non plus le respect en dehors du tribunal. Un jour, près du cabinet, j ’ ai vu une vieille femme blanche dont la voiture en stationnement était coincée entre deux autres. Je suis allé immédiatement pousser sa voiture pour la dégager. La vieille dame, qui parlait anglais, s ’ est tournée vers moi et m ’ a dit   : « Merci, John   », « John   » étant le nom que les Blancs donnaient aux Noirs qu ’ ils ne connaissaient pas. Puis elle m ’ a tendu une pièce de six pence que j ’ ai refusée poliment. Mais elle a insisté et j ’ ai dit non de nouveau. Alors elle s ’ est écriée   : « Tu refuses une pièce de six pence. Tu veux sans doute un shilling mais tu ne l ’ auras pas   ! » Puis elle m ’ a jeté la pièce et a démarré.
    Au bout d ’ un an, Oliver et moi avons découvert qu ’ aux termes de l ’ Urban Areas Act nous n ’ avions pas le droit d ’ occuper de locaux en ville sans une autorisation gouvernementale. Notre demande a été rejetée et nous avons reçu à la place un permis temporaire, qui a bientôt expiré. Les autorités ont refusé de le renouveler et ont exigé qu ’ on déménage nos bureaux dans un quartier africain à des kilomètres de là, et pratiquement inaccessible pour nos clients. Nous avons interprété cela comme une volonté de la part des autorités de nous mettre en infraction en occupant nos locaux illégalement, avec une menace d ’ expulsion constamment suspendue au-dessus de nos têtes.
    Etre avocat en Afrique du Sud signifiait qu ’ on agissait dans un système judiciaire perverti, avec un code qui ne posait pas comme principe l ’ égalité mais son contraire. Un des exemples les plus pernicieux en est la Population and Registration Act qui définissait cette inégalité. J ’ ai eu à défendre un métis qui avait été classifié par erreur comme Africain. Il avait combattu pour l ’ Afrique du Sud pendant la Seconde Guerre mondiale en Afrique du Nord et en Italie, mais après son retour, un bureaucrate blanc l ’ avait reclassifié africain. C ’ était le genre d ’ affaire, pas du tout rare en Afrique du Sud, qui offrait une sorte d ’ énigme morale. Je ne reconnaissais ni ne soutenais les principes de la Population and Registration Act, mais mon client avait besoin d ’ être défendu, et il avait été classifié comme quelqu ’ un qu ’ il n ’ était pas. Il y avait beaucoup plus d ’ avantages à être classifié métis plutôt qu ’ Africain, par exemple le fait que les métis n ’ étaient pas obligés de porter un pass.
    En son nom, j ’ ai saisi la commission de classification qui jugeait les affaires régies par la Population and Registration Act. Elle se composait d ’ un magistrat et de deux fonctionnaires, tous blancs. J ’ avais quantité de preuves pour établir la demande de mon client et le procureur indiqua formellement qu ’ il ne s ’ opposerait pas à notre requête. Mais ni mes preuves ni l ’ attitude du procureur ne semblaient intéresser le magistrat. Il regardait fixement mon client et il lui demanda d ’ un ton bourru de faire demi-tour afin de tourner le dos au tribunal. Après avoir observé ses épaules, qui tombaient fortement, il hocha la tête en direction des fonctionnaires et accepta la requête. D ’ après la conception des autorités blanches de l ’ époque, les épaules tombantes étaient une des caractéristiques physiques des métis. Et c ’ est ainsi que le cours de la vie de cet homme fut décidé uniquement d ’ après l ’ opinion d ’ un magistrat sur la forme de ses épaules.
    Nous plaidions beaucoup d ’ affaires à propos de brutalités policières mais notre taux de réussite était extrêmement bas. Nous avions toujours beaucoup de mal à prouver les agressions de la police. Elle était suffisamment astucieuse pour retenir un prisonnier pendant une durée telle que les blessures ou la marque des coups aient eu le temps de guérir et, souvent, c ’ était la parole d ’ un policier contre celle de notre client. Les magistrats se mettaient naturellement du côté de la police. Dans le cas d ’ une mort en détention, le verdict du juge d ’ instruction était souvent   : « Causes de la mort multiples   », ou une vague explication qui permettait à la police de

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