Un mois en Afrique
d'effectuer ma retraite.
Derrière nous, nos travailleurs s'occupaient déjà, avec une grande activité, de l'abattage des palmiers.
Je ne sais plus dans quel journal j'ai lu cette assertion mirobolante, que la hache rebondit sur l'écorce élastique du palmier.
Au contraire, rien n'est plus facile que de le couper, et nos hommes y allaient grand train. Vraiment, c'était pitié de voir ces précieux végétaux, la plupart centenaires, s'abattre avec fracas, et couvrir le sol de leurs dattes. Toutes ne furent pas perdues, comme on pense bien, et nos soldats s'en régalèrent à tire-larigot.
Les Arabes, d'abord en petit nombre, exaspérés de cette exécution, et craignant peut-être une attaque sur Lichana, dont nous étions tout près, engagèrent le combat sur notre droite. A l'extrémité du mur crénelé, derrière un amas de décombres, un groupe de chasseurs du bataillon d'Afrique soutenait vaillamment l'attaque. Un caporal, étendu sur le ventre, se distinguait par la précision avec laquelle il dirigeait ses coups. Il avait placé une grosse pierre devant lui peur se garantir ; une balle arrive, touche la pierre et la lui lance à la tête ; le caporal se frotte le front, prend la pierre, la replace où elle était d'abord, et continue son feu ; une autre balle arrive, le frappe à la tête et le tue raide.
Au-delà du mur était une espèce de ravin, par où l'ennemi aurait pu arriver inaperçu. J'ordonnai aux hommes qui gardaient les créneaux de redoubler d'attention ; mais nos adversaires, guidés par la connaissance des lieux, furent plus rusés que nous. Au lieu de nous aborder de front, un certain sombre d'entre eux gagnèrent sur notre gauche, et se baissant au-dessous des créneaux, à la file l'un de l'autre, ils arrivèrent, pour ainsi dire en rampant, à garnir le mur du côté opposé au nôtre. Nous n'étions séparés d'eux que par cet obstacle, haut de deux mètres à peu près.
Le reste, c'est-à-dire la masse, était resté dans le ravin, et à un signal donné, ils se levèrent tous, avec des cris sauvages, tandis que d'autres encore, dispersés en tirailleurs en face du jardin encaissé et du terrain nu dont j'ai parlé, nous fusillaient à l'angle ou crochet formé par notre ligne.
[Je n'ai pas la prétention de faire de la tactique à propos d'une si petite affaire ; mais si quelqu'un objectait que ce crochet était un oubli des principes, je lui répondrais qu'il s'agissait de protéger des travailleurs placés dans une circonférence irrégulière, et qu'une ligne droite était impossible. Dans un combat de cette nature, il était indiqué, d'ailleurs, de profiter des abris qu'offrait le terrain.]
En un instant, plusieurs des nôtres furent couchés par terre, ou contusionnés par des nuées de pierres qu'on nous lançait par dessus le mur. Cette manière de préluder à un engagement plus sérieux est familière aux Arabes. Bientôt une haie serrée de leurs fusils parut à la crête du mur, et nos soldats, sans attendre qu'ils parussent eux-mêmes, et quoi que pussent faire les officiers, le couronnèrent de leur feu.
A l'angle de la ligne, un soldat venait de tomber mortellement atteint. Deux de ses camarades le traînaient en arrière, poursuivis par les Arabes qui voulaient s'en emparer pour lui couper la tête. J'allai à leur rencontre et les tins en échec avec mon fusil de chasse. Nyko et ses grenadiers étaient à cent pas de là ; je leur fis signe d'accourir, et il était temps, car l'engagement devenait de plus en plus vif. En un instant, le capitaine Touchet, après avoir tué de sa main un ennemi, tomba frappé d'un coup de feu en pleine poitrine ; le capitaine Butet reçut une balle à travers la cuisse ; Nyko fut blessé à la tête ; moi-même je fus atteint d'un gros caillou, qui ayant rebondi sur ma carghera corse (ceinture à cartouches), ne me fit pas grand mal.
Je restai seul d'officier.
L'oeil au guet, le doigt sur la détente, j'attendais que quelque Arabe se montrât au-dessus du mur. Il en vint un qui, coiffé d'un turban, brandissait un pistolet de la main droite, s'appuyait sur la gauche, et se découvrait audacieusement jusqu'à la ceinture.
En apercevant un officier qui le tenait en joue presque à bout portant, il dut penser que son heure était arrivée ; il voulut se rejeter en arrière, mais il n'en eut pas le temps ; je lui lâchai dans le cou, au-dessous du menton, mon coup droit chargé d'une balle et cinq chevrotines ; son
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