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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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échoué dans ce petit village de Wigleigh sans autre
raison que sa difformité, estimait-il. Décidé à tirer le meilleur parti du
petit pouvoir qui lui était dévolu, il profitait de toutes les occasions pour
arracher des dessous-de-table aux villageois. Gwenda le détestait, moins pour
son avidité – vice commun à tous les baillis – que pour sa rancœur à l’égard de
tous, et notamment des jeunes, surtout s’ils étaient forts et beaux. Il aimait
à tuer le temps en buvant du vin avec Perkin, le père d’Annet, qui le régalait
gratuitement.
    La question soumise à débat aujourd’hui concernait les
terres de la famille de Wulfric. C’était une grande exploitation. En termes de
superficie arable, les paysans n’étaient pas tous égaux. La norme était d’un
virgate par paysan, c’est-à-dire le nombre d’acres susceptibles d’être
cultivées par un seul homme et de lui rapporter de quoi nourrir sa famille.
Dans cette partie de l’Angleterre, un virgate équivalait à trente acres. À
Wigleigh, la grande majorité des paysans ne possédaient qu’un demi-virgate,
soit une quinzaine d’acres environ. Pour subvenir aux besoins de leur
maisonnée, ils devaient donc recourir à divers expédients, comme braconner dans
la forêt, pêcher dans le cours d’eau qui traversait le Champ au ruisseau,
fabriquer des ceintures ou des sandales à partir de rognures de cuir, filer la
laine ou la tisser pour les marchands de Kingsbridge. Certains paysans
possédaient bien plus d’un virgate. Perkin en détenait cent ; Samuel, le
père de Wulfric, en avait quatre-vingt-dix. Ces paysans aisés avaient besoin de
bras pour cultiver leurs terres, et ils engageaient alors des journaliers, tels
que le père de Gwenda.
    À la mort d’un serf, sa veuve, ses fils ou ses filles, si
elles étaient mariées, pouvaient hériter de ses terres. Mais le legs devait
obligatoirement recevoir l’aval du seigneur et s’accompagner du paiement d’un
impôt fixe, appelé heriot. En temps normal, les deux fils de Samuel auraient dû
hériter automatiquement des terres de leur père sans qu’il soit nécessaire de
réunir le conseil du village. Ils auraient payé l’impôt à eux deux et, ensuite,
ils auraient divisé les terres entre eux ou les auraient cultivées ensemble. Et
ils auraient conclu un arrangement concernant leur mère. Mais l’un des deux
fils de Samuel était mort lui aussi, et cela compliquait grandement la
situation.
    En général, tous les adultes du village assistaient à ces
auditions. Comme celle d’aujourd’hui devait statuer sur le sort de Wulfric,
Gwenda s’y était rendue, poussée par une curiosité toute particulière. Que le
jeune homme s’apprête à épouser une autre femme ne diminuait en rien ses
sentiments. Peut-être devrais-je lui souhaiter d’être malheureux avec Annet,
pensait-elle parfois, mais elle en était incapable. Elle ne désirait rien
d’autre que son bonheur.
    L’office religieux achevé, une haute cathèdre en bois et
deux bancs furent apportés du manoir à l’église. Nathan prit place dans le
siège, les jurés sur les bancs. L’assistance resta debout.
    Wulfric s’exprima avec des mots simples. « Mon père,
dit-il, tenait quatre-vingt-dix acres du seigneur de Wigleigh. Avant lui, son
père en tenait cinquante, et son oncle, qui est mort voilà dix ans, quarante.
Aujourd’hui, la mort de ma mère et de mon frère me laisse seul héritier,
puisque je n’ai pas de sœur.
    — Quel âge as-tu ? demanda Nathan.
    — Seize ans.
    — Tu ne peux pas encore te prétendre un homme. »
Visiblement, le bailli avait l’intention de compliquer les choses dans l’espoir
d’obtenir un dessous-de-table, comprit Gwenda. Mais Wulfric n’avait pas
d’argent.
    « L’âge n’est pas tout, répliqua Wulfric. Je suis plus
grand et plus fort que nombre d’adultes.
    — David Johns a bien hérité de son père quand il avait
dix huit ans ! intervint un juré du nom d’Aaron Dupommier.
    — Dix-huit ans, ce n’est pas seize, riposta Nathan. Il
ne me vient pas d’exemple à l’esprit montrant qu’un jeune homme de seize ans
ait été autorisé à hériter. »
    N’étant pas juré, le paysan cité, David Johns, se tenait
dans l’assistance à côté de Gwenda. Il prit la parole : « Si j’y ai
été autorisé, c’est aussi parce que la totalité de mes terres était loin de
s’élever à quatre-vingt-dix acres. » Un rire parcourut la foule. David

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