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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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écarlate parfaitement
identique à celle des Italiens, chose que nos teinturiers de Kingsbridge
n’avaient jamais réussi à faire. Comment a-t-elle pu accomplir ce prodige,
sinon en recourant à la magie ?
    — C’est un mensonge ! gronda Marc le Tisserand,
dont la forte voix de basse parvint jusqu’aux oreilles de Caris.
    — Incapable d’accomplir ce prodige en plein jour,
naturellement, elle l’a fait de nuit grâce à un feu allumé dans son
arrière-cour, comme les voisins ont pu le constater. »
    Philémon n’avait pas renâclé à la tâche, il était allé
jusqu’à interroger son entourage. Un sombre pressentiment s’immisça en Caris.
    « Et elle chantait d’étranges mélopées. Pourquoi
cela ? »
    Pour chasser l’ennui, bien sûr, tandis qu’elle mélangeait
ses teintures et faisait tremper son tissu ! Mais Philémon avait le talent
de transformer toute activité innocente en une intervention du Malin. Baissant
le ton jusqu’à ce qu’il ne sorte plus de sa gorge qu’un murmure angoissant, il
ajouta : « Parce que, en secret, elle appelait à l’aide le prince des
ténèbres... Lucifer ! » hurla-t-il ensuite.
    Un gémissement terrifié monta de la foule.
    « Cette couleur écarlate est l’œuvre de
Satan ! »
    Caris se tourna vers Merthin qui murmura, effondré :
« Ces imbéciles commencent à le croire ! »
    Son désespoir fouetta le courage de la jeune fille.
« Ne désespère pas. Je n’ai pas dit mon dernier mot ! »
    Il lui prit la main et la serra.
    « Et son œuvre maléfique ne s’arrête pas là, reprit
Philémon d’une voix redevenue normale. Car Mattie concoctait des philtres
d’amour, lâcha-t-il en promenant des yeux accusateurs sur la foule. Il se peut
même qu’ils se trouvent parmi nous aujourd’hui, dans cette cathédrale, des
filles mauvaises qui ont eu recours à ses pouvoirs pour ensorceler un
homme. »
    Comme ta propre sœur ! eut envie de crier Caris, mais
Philémon le savait-il ?
    Il lança : « Une novice peut en témoigner. »
    Et voilà qu’Élisabeth Leclerc se leva et prit la parole
d’une voix tranquille, les yeux baissés, image même de la modestie en habit de
bénédictine. « Cette déclaration a pour moi valeur de serment, car
j’espère être sauvée, commença-t-elle. J’étais fiancée à Merthin le
constructeur.
    — Tu mens ! cria Merthin.
    — Nous nous aimions, nous étions très heureux,
continuait Élisabeth. Et brusquement tout a changé. Il est devenu froid à mon
égard et je n’ai plus été qu’une étrangère à ses yeux. »
    Philémon lui demanda : « Avez-vous noté en lui
quelque chose d’inhabituel, ma sœur ?
    — Oui, mon frère. Je l’ai vu tenir son couteau de la
main gauche. »
    Un grondement monta de la foule. Il s’agissait là d’un signe
bien connu d’appartenance au monde des sorciers. Mais Merthin était ambidextre,
comme Caris le savait.
    Élisabeth continuait : « C’est alors qu’il m’a
annoncé qu’il allait épouser Caris ! »
    Caris en resta stupéfaite. Il avait suffi d’altérer à peine
la vérité pour lui donner une coloration sinistre. En réalité, Merthin et
Élisabeth avaient été amis jusqu’à ce qu’elle exige de lui davantage. Ne
partageant pas ses sentiments, il avait préféré ne plus la revoir. Mais le
recours à un charme et l’intervention du démon rendaient son récit bien plus
intéressant et Élisabeth avait dû se convaincre qu’elle disait la vérité. Quant
à Philémon, qui savait parfaitement que c’était un mensonge, il n’était rien
d’autre que l’instrument par lequel Godwyn exerçait sa vengeance. Comment son
cousin pouvait-il commettre pareille vilenie et garder la conscience
pure ? Croyait-il que tout acte était justifié du moment qu’il servait les
intérêts du prieuré ?
    Élisabeth acheva : « Incapable d’aimer un autre
homme, j’ai décidé d’offrir ma vie à Dieu. » Elle se rassit.
    C’était un témoignage capital. Caris, qui s’en rendait
compte, sentit subitement une noirceur hivernale l’entourer. Le fait
qu’Élisabeth ait pris le voile donnait à ses propos force de conviction, alors
que ses paroles n’étaient qu’allégations captieuses visant à apitoyer la
foule : « Oserez-vous mettre ma parole en doute, bonnes gens, vous
qui voyez l’étendue de mon sacrifice ? »
    Le tohu-bohu s’était calmé. Le spectacle qui se déroulait
sous les yeux des fidèles n’était

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