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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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entendu parler en Angleterre, n’existaient
pas à Florence. C’était à Sienne qu’il en avait vu pour la première fois, en
visitant la cathédrale. La claire-voie présenterait une rangée d’ouvertures
rondes appelées « oculi ». Les piliers, au lieu d’être placés en
ligne et de se tendre ensemble vers le ciel en signe d’espérance, formeraient
des cercles complets, recréant ainsi l’impression d’autosuffisance terrienne
propre à l’esprit commerçant des habitants de cette ville.
    Si l’absence de maçons sur les échafaudages ne surprit pas
Merthin, il en éprouva néanmoins un grand dépit. Pas un ouvrier ne transportait
de pierres ; pas une femme ne remuait le mortier à l’aide de sa pelle
géante : ce chantier était aussi silencieux que les deux précédents.
Malgré tout, Merthin ne douta pas un seul instant de pouvoir lui redonner vie.
Les ordres religieux menaient une existence nullement comparable à celle des
simples particuliers.
    Ayant inspecté le site, il pénétra dans l’abbaye. Le silence
y régnait également. Certes, c’était le propre des monastères que d’être
silencieux, mais ce silence-là recelait quelque chose d’angoissant. Il passa du
vestibule au tour. Habituellement, un frère s’y tenait, partageant son temps
entre l’accueil des visiteurs et l’étude des Saintes Écritures. Aujourd’hui, la
salle était vide. Saisi d’un pressentiment sinistre, Merthin franchit la porte
de la clôture et déboucha dans le cloître carré. Désert, lui aussi.
« Bonjour ! lança-t-il. Il y a quelqu’un ? » Sa voix
rebondit sur les arcades en pierre.
    Il parcourut l’abbaye d’un bout à l’autre sans y découvrir
un seul moine. Dans la cuisine, il tomba sur trois hommes attablés devant du
jambon et du vin. Au premier regard, leurs vêtements coûteux les affiliaient à
la classe des marchands, mais leurs cheveux emmêlés, leurs barbes mal taillées
et leurs mains crasseuses lui donnèrent vite à comprendre qu’il s’agissait
d’indigents ayant fait main basse sur les tenues de notables décédés. À la vue
de Merthin, ils prirent un air à la fois coupable et provocant.
    « Où sont les saints frères ? s’enquit Merthin.
    — Tous morts.
    — Tous ?
    — Jusqu’au dernier. Z’ont soigné les malades, vous
comprenez ? Z’ont attrapé la maladie. »
    L’homme était ivre assurément, mais il disait sans doute la
vérité. Il avait trop bien pris ses aises dans cette cuisine, à manger la
nourriture des moines et à boire leur vin avec ses compagnons, pour craindre
une quelconque réprimande.
    Merthin retourna sur le chantier. Les murs du chœur et des
transepts étaient déjà montés et les oculi de la claire-voie apparaissaient
clairement. Il s’assit sur un tas de pierres au beau milieu de la croisée du
transept et regarda son œuvre. De combien de temps ce projet serait-il
retardé ? Et qui paierait les travaux s’il ne restait plus un seul moine
vivant ? Pour autant qu’il le sache, ce monastère n’appartenait pas à une
congrégation. L’évêque ferait donc valoir ses droits, le pape aussi.
S’ensuivraient des complications juridiques qui ne se résoudraient pas avant
des années.
    Brusquement, Merthin se découvrit sans rien à faire, du
moins pour le moment, lui qui avait justement décidé ce matin même de noyer son
chagrin dans le travail. Depuis le jour où il s’était lancé à réparer le toit
de l’église Saint-Marc à Kingsbridge, dix ans plus tôt, c’était la première
fois qu’il était confronté à pareille situation. Sans projet à réaliser, il se
sentait perdu. La panique se faufilait en lui.
    Il s’était réveillé ce matin face à sa vie en ruine. Se
retrouver subitement à la tête d’une immense fortune avait intensifié encore le
cauchemar qu’il traversait. Hormis sa petite fille, il ne lui restait plus rien
de son ancienne existence. Il ne savait même pas où aller.
    À un moment ou à un autre, il faudrait bien qu’il reprenne
le chemin de chez lui, forcément, mais il ne pourrait pas passer ses journées
entières à jouer avec une enfant de trois ans et à bavarder avec sa
gouvernante. Il demeura où il était, assis sur un disque en pierre destiné à
fabriquer une colonne, les yeux fixés sur ce qui aurait dû bientôt être une
nef.
    Le soleil avait entamé sa course descendante. Sa maladie
commença à lui revenir en mémoire. Il avait été certain de mourir. Pourquoi

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