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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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du père d’Elfric,
Joachim. Homme de grande expérience, celui-ci avait travaillé à la construction
de plusieurs églises et de ponts à Londres aussi bien qu’à Paris. Il avait pris
un grand plaisir à expliquer à son jeune apprenti le savoir des compagnons
bâtisseurs. Leurs « mystères », comme ils les nommaient, consistaient
principalement en formules arithmétiques appliquées à la construction d’un
bâtiment, comme par exemple la proportion entre sa hauteur au-dessus du sol et
la profondeur de ses fondations.
    Merthin, qui aimait les nombres, avait fait siennes les
connaissances que lui avait transmises le vieil homme. À sa mort, il avait eu
du mal à se soumettre aux règles de son fils pour qui la vertu cardinale d’un
apprenti était l’obéissance. Devenu son nouveau maître, Elfric le punissait en
rognant sur sa nourriture et sur son habillement et en lui confiant souvent des
tâches à l’extérieur quand il gelait à pierre fendre. Détail plus exaspérant
encore, sa plantureuse fille Griselda, du même âge que Merthin, se pavanait
sous ses yeux dans ses vêtements bien chauds.
    Trois ans plus tôt, Elfric avait épousé en secondes noces la
sœur aînée de Caris, Alice, considérée par tous comme bien plus jolie que sa
cadette. Elle avait effectivement les traits plus réguliers, mais, aux yeux de
Merthin, elle ne possédait pas son charme captivant. Se croyant apprécié d’elle
autant que de sa sœur, il avait espéré qu’elle inciterait son mari à le traiter
moins durement. Hélas, il s’était produit tout l’inverse. À croire qu’Alice
jugeait de son devoir d’épouse de le tourmenter, elle aussi.
    Cette pénible situation était le lot de nombreux apprentis.
Et ceux-ci étaient bien forcés de l’accepter, puisque c’était le seul moyen
d’accéder à un métier correctement rémunéré. Les guildes se méfiaient des
arrivistes. Nul ne pouvait exercer sa profession dans une ville sans appartenir
à la guilde correspondante. Et, en dehors des villes, où pouvait-on exercer son
métier ? Les paysans construisaient leurs maisons eux-mêmes et cousaient
leurs vêtements. Prêtre, moine ou mère de famille, quiconque voulait vendre de
la laine ou brasser de la bière devait d’abord adhérer à la guilde.
    Au terme de leur apprentissage, les ouvriers restaient le
plus souvent auprès de leur maître, travaillant comme compagnons en échange
d’un salaire. Certains finissaient associés et reprenaient l’atelier à la mort
du patron. Mais Merthin ne voulait pas de ce destin. Il détestait trop son
patron. Il était fermement décidé à le quitter le plus tôt possible.
    « Allons voir les dégâts de plus près », déclara
frère Godwyn.
    Ils avancèrent jusqu’au fond de la cathédrale. « Quel
plaisir de vous revoir parmi nous, frère Godwyn ! dit Elfric. Mais vous
devez vous languir d’Oxford et de ses nombreux savants. »
    Godwyn hocha la tête. « Les maîtres là-bas sont
vraiment remarquables.
    — Et les autres étudiants ? j’imagine qu’ils
doivent l’être, eux aussi, même si l’on colporte de vilaines histoires sur leur
compte.
    — Certaines ne sont que trop vraies, hélas, déplora
Godwyn en prenant un ton attristé. Quand un homme quitte le toit familial à un
âge encore tendre, le fait d’être prêtre ou moine ne lui épargne pas la
tentation.
    — Quoi qu’il en soit, c’est une grande chance pour
nous, gens de Kingsbridge, que de pouvoir bénéficier du savoir d’hommes formés
à l’université.
    — Je vous remercie de votre amabilité.
    — Oh, mais je le pense très sincèrement. »
    Merthin aurait volontiers dit à son patron de fermer son
clapet. Elfric était un piètre artisan ; son travail était malhabile et
son jugement incertain, mais voilà : il savait s’y prendre pour entrer
dans les bonnes grâces des gens. Maintes fois Merthin l’avait vu déployer tout
son charme avec ceux dont il attendait quelque chose et rembarrer grossièrement
ceux qui lui étaient inutiles. Qu’un homme intelligent et instruit comme l’était
frère Godwyn ne démasque pas ce trait de caractère ne laissait pas de
surprendre Merthin. Mais peut-être la fausseté du flagorneur était-elle moins
visible au destinataire des compliments.
    Godwyn ouvrit une petite porte et se lança à l’assaut d’un
étroit escalier en colimaçon dissimulé dans le mur. Merthin sentit croître son
excitation. Il aimait emprunter les passages

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