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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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perceuse, un tour, une fraiseuse, et d'autres machines-outils. Pacal y vit une presse de deux cents tonnes, qui pesait sur une construction de brique pour en éprouver la résistance jusqu'à écrasement. La résistance des matériaux, la force hydraulique, la tension des courroies de transmission, la pression des gaz, la compression de la vapeur faisaient aussi l'objet d'études, comme les nouveaux freins à air comprimés, invention de George Westinghouse que les compagnies de chemins de fer avaient chargé le MIT d'éprouver, avant de les adopter.
     
    Cet enseignement, réaliste et pratique, faisait de l'institut une véritable école scientifique, sans pareille dans l'Union. Après quatre années d'enseignement, les étudiants diplômés trouvaient aussitôt à s'employer dans l'industrie, les chemins de fer ou les mines.
     
    Sur les terrains de jeux de la tutélaire Harvard University, on pratiquait aussi les sports : hockey, football, base-ball et gymnastique. Un bon étudiant se devait de cultiver ses muscles autant que son esprit. Avec quelque prétention et une bonne dose de naïveté, les maîtres s'inspiraient de l'adage de Juvenal : mens sana in corpore sano .
     
    Complétant la formule du poète latin par un conseil de morale puritaine, le président de l'institut, dès le premier jour, avait invité les nouveaux étudiants « à observer la chasteté jusqu'au mariage ». Il parut à Pacal que la plupart de ses condisciples étaient prêts à adhérer à cette abstinence et à éviter la rencontre des quelques demoiselles de petite vertu de Boston, de qui les aînés se communiquaient les adresses et de qui il avait déjà entendu vanter les compétences tarifées.
     
    « Les descendants d'obscurs bourgeois anglais », qui composaient la bonne société bostonienne, faisaient mine d'ignorer l'existence de ces femmes accueillantes. Cette feinte indifférence relevait, sans doute, d'une vertueuse hypocrisie.
     
    La société américaine, ses règles puritaines, ses rythmes établis, son sens pratique, ses commodités domestiques ne rappelaient en rien la liberté de mœurs, la rusticité bucolique, le nonchaloir de la vie insulaire. Ici, l'existence était régie par un code du savoir-vivre social et mondain, et le temps avait un prix. Les hommes ne cessaient de tirer leur montre de leur gousset, alors qu'à Soledad on ne se souciait pas toujours, sauf à Cornfield Manor, de remonter horloges et pendules. Aux Bahamas, le soleil et les marées fournissaient aux indigènes une heure approximative, et le vocabulaire insulaire ignorait l'expression « être en retard » qui, à Boston, sonnait comme une menace. Un des premiers achats de Pacal, avec compas, rapporteur d'angles, règle à calcul, planche à dessin, avait été, sur l'injonction de son mentor, une montre à remontoir, dont Bob Lowell devait parfois rappeler à son élève l'existence et l'utilité !
     
    D'un naturel scrupuleux et travailleur, le fils de Charles Desteyrac se pliait sans regimber aux exigences de ce qu'on nommait à l'institut « l'emploi du temps », afin d'inviter tous et chacun à ne pas gaspiller les heures, ni même les minutes, comme si le temps était, aux États-Unis contrairement à Soledad, une denrée épuisable.
     
    Des horaires de cours, comme de la vie domestique régulière chez les Lowell, Pacal s'accommodait, bien conscient que le savoir ne s'acquiert pas sans efforts ni discipline. Lui manquait le grand air, les chevauchées matinales avec son grand-père, la pêche au harpon avec Fish Lady, la plongée aux éponges avec Sima, les parties de volant et d'osselets avec Takitok et Shakera, la chasse au hutia, au porc sauvage, au pigeon couronné, aux oiseaux de mer. Ces activités improductives lui paraissaient autrement nécessaires à la vie que le diktat des pendules. L'idée de rendement lui avait été, jusque-là, aussi étrangère que la sonnerie d'un réveil-matin ! Aussi, toute occasion d'aller courir dans la campagne ou sur le stade, nager ou canoter sur la Charles River, était bienvenue.
     
    Plus difficile restaient, après six mois au MIT, ses contacts avec certains étudiants de Harvard. C'est à une altercation avec plusieurs d'entre eux qu'il dut la naissance de son amitié avec le jeune New-Yorkais Thomas Artcliff.
     
    Comme les autres étudiants admis cette année-là, Artcliff avait dû chercher un logement à Cambridge, au plus près du MIT, où ce fils d'architecte,

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