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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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pièce !
     
    – Enlève-le. Une piqure de guêpe peut être mauvaise. Si le dard est resté dans le derme, il faut le retirer et aspirer le venin, Sima m'a appris ça, Viola. Ne fais pas de manière : ôte ton maillot.
     
    Elle s'exécuta et se retrouva nue. Sur sa cuisse gauche une auréole rouge et gonflée indiquait l'endroit de la piqûre.
     
    – Ça va peut-être te faire mal, prévint Pacal en pinçant, entre pouce et index, la peau d'où sortit un minuscule dard.
     
    – Oulala ! oulala ! Tu m'a pincée fort !
     
    – Il le fallait. Maintenant, je vais aspirer le venin, annonça-t-il avant de coller ses lèvres sur l'ecchymose, pour opérer, ainsi que Sima le lui avait montré, un jour que Sakera avait été piqué par un taon.
     
    Viola émit un petit rire nerveux.
     
    – Voilà, c'est fait, dit Pacal, se détournant pour cracher.
     
    C'est alors seulement qu'il prit conscience de la nudité de sa compagne. Le ventre plat, au-dessus de la toison bouclée, les seins dressés, encore humides, aux aréoles bistre : il ne pouvait détacher son regard de ce corps de bronze clair, d'une parfaite harmonie. Sûre de sa beauté, Viola se laissait voir sans gêne.
     
    – Tu as bien profité des leçons de Sima, Pacal, dit-elle pour banaliser le moment.
     
    Dans un geste affectueux, il caressa la cuisse endolorie et s'étonna du frisson que cette innocente câlinerie provoqua.
     
    – Allez, tu peux remettre ton maillot, dit-il, renouvelant le geste qui, cette fois-ci, le troubla autant qu'elle.
     
    Peu pressée de se vêtir, Viola saisit la main du garçon, l'obligeant à prolonger sa caresse.
     
    – Oh ! Pacal, tes mains, des mains de chair, des mains vivantes, oui des mains de chair. Je n'ai jamais connu des mains de chair sur moi, tu comprends ?
     
    – Bien sûr, je comprends, Viola, mais…
     
    – Une femme a besoin d'être caressée, Pacal, et je ne suis jamais caressée.
     
    – Cependant, ton corps appelle la caresse. Ta peau est comme de la soie, lâcha-t-il avec un trémolo dans la voix.
     
    – Caresse-moi, encore, dis ! Comme tes mains sont douces et fermes, et vivantes, et mobiles. Tu me rends folle, mais c'est bon, Pacal. Je n'ai jamais connu ça. Caresse-moi, oui, encore, caresse-moi partout avec tes mains vivantes !
     
    Cette sollicitation allait au-devant d'une impulsion qu'il ne tenta pas de maîtriser. De la cuisse meurtrie, il passa au ventre, aux seins, aux épaules, au visage, effleurant de l'index l'arc des sourcils. Enflammé par le désir, il en vint aux caresses plus audacieuses, impatientes, précises. Elles suscitèrent en lui une soif animale de jouissance.
     
    Il lui vola un baiser, qui eut le goût salé de l'Océan. Prenant les mains de Viola, il l'obligea à se mettre debout et voulut l'entraîner jusqu'au bosquet où, un moment plus tôt, elle s'était cachée pour passer son maillot.
     
    – Non ! Pas ça, Pacal, je t'en prie, pas ça, pas comme ça, s'écria-t-elle.
     
    Comme il insistait, elle se libéra.
     
    – Il est temps de rentrer. Nous ne devons pas laisser partir le vapeur de cinq heures sans nous. Allez, allez, calme-toi, Pacal, calme-toi !
     
    Cette exhortation, prononcée sur le mode tendre, le dégrisa. Ces mots, Viola les disait autrefois, du même ton, pour apaiser une colère enfantine. Cette femme qu'il désirait était l'adolescente qui l'avait bercé, bébé, dans ses bras. Il se sentit penaud, ridicule, honteux.
     
    Tous deux se rhabillèrent en silence, Viola plus amusée qu'émue, Pacal boudeur. Ils marchèrent côte à côte jusqu'à Hull en échangeant des banalités, comme s'ils voulaient ignorer ce qui venait de se passer entre eux.
     
    Sur le vapeur qui les transportait à Boston, couple anonyme entre des duos en plein flirt et des familles caquetantes, ils ne savaient que dire, l'un et l'autre conscients que rien, entre eux, ne serait plus comme avant.
     
    Elle lui prit soudain une main, qu'il abandonna mollement, pour marquer une indifférence rancunière. Les doigts de Viola répondirent à cette froideur par des pressions délicates, de tendres frictions, des serrements insistants, avant de s'insérer entre les phalanges de Pacal, en un enlacement confiant. Lui ne voulut voir, dans ce geste, qu'une forme de gratitude pour les caresses que ses mains « vivantes » avaient prodiguées à Viola sur la plage. Le seul égarement qu'elle se fût autorisée. Dès le débarquement, ils se

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