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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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soufflait le vent d'ouest, porteur de myriades de moustiques nés dans les marais des Everglades, une poussière ocre, enlevée aux chaussées, saupoudrait la ville. Bien que printanier, l'air du matin paraissait brûlant après la fraîcheur relative de la nuit. À l'heure méridienne, Key West faisait la sieste jusqu'à l'ouverture des bars. Les autochtones assuraient que leur île était le seul endroit d'où l'on pouvait voir le soleil jeter son rayon vert avant de plonger dans l'Océan. Pacal, Colson, Cleophas et tous les marins du Centaur tentèrent vainement, les yeux écarquillés jusqu'au vertige, d'apercevoir la fugace fulgurance que les Seminole tenaient pour promesse du dieu Soleil de revenir au matin réveiller la vie.
     
    – Et si, un jour, le soleil ne revenait pas ? demanda Cleo, superstitieux comme tous les Arawak.
     
    – Nous allumerions toutes les lanternes, plaisanta Colson.
     
    – En peu de temps, la vie sur terre s'éteindrait dans le froid et l'obscurité, et tous nos problèmes humains seraient résolus, commenta Pacal, maussade.
     
    Depuis la révélation de la mort de Viola il restait pensif, sans entrain et recherchait autant l'activité que la solitude.
     
    En quelques semaines, le petit-fils de lord Simon organisa les équipes de plongeurs. Il exigea que tous observent des périodes de repos et se relaient pour préparer les éponges en les piétinant comme le faisaient leurs femmes à Soledad. Les éponges propres, immédiatement exportables, étaient vendues deux fois plus cher aux agents des grossistes. On sut bientôt que les éponges pêchées par les Bahamiens de la Soledad Sponge Company étaient les meilleures, comme l'écaille de tortue sans défaut fournie par cette même entreprise.
     
    Par courrier, sans savoir le temps que ses lettres mettraient pour parvenir à Soledad, via Jacksonville, Charleston et Nassau, le jeune homme rendait compte à son grand-père. Dans son dernier envoi, il ne laissait pas prévoir son retour avant l'été.
     
    Car Pacal ne paraissait guère pressé de rentrer à Soledad. Chaque jour, il trouvait un dossier à régler, un site à visiter, la nécessité de rencontrer des hommes d'affaires qui, espérant de nouvelles liaisons maritimes avec les États du nord, envisageaient la construction d'hôtels.
     
    Depuis que les citadins de New York, de Philadelphie ou de Washington avaient découvert les agréments des doux hivers de Floride, l'ancienne colonie espagnole s'ouvrait au tourisme. Les hivernants arrivaient de plus en plus nombreux par le Vestibuled Through Train 3 de l'Atlantic Coast Line, qui les transportait en wagon-lits, en trente-neuf heures, de New York à Saint Augustine, sur la côte atlantique de la Floride, pour la somme de trente-sept dollars et quinze cents.
     
    Quand vint le moment de quitter Key West, Pacal manifesta l'intention de faire une excursion dans les Everglades, zone marécageuse sauvage du sud de la Floride, près du lac Okeechobee. Lewis Colson montra quelque impatience parce que des orages tropicaux annonçaient, en ce début d'été, des ouragans précoces. Il était temps, d'après le marin, de naviguer vers Soledad si l'on voulait éviter des risques majeurs. Mais comme le vieux capitaine portait au fils de Charles Desteyrac une affection paternelle, il se laissa fléchir et, au lieu de prendre la route au nord-est, vers l'archipel des Bahamas, le Centaur remonta la côte de Floride jusqu'à un petit port au nom indien, Miami.
     
    À cinquante kilomètres du rivage, au cours d'un trajet en charrette sur chemins et levées défoncés par des pluies récentes, les Bahamiens eurent le sentiment de visiter un lieu resté vierge depuis le commencement du monde. Dans le dédale des eaux stagnantes, parcourues de courants musards, entre palétuviers, cyprès et yuccas, que leur cocher nomma « baïonnettes espagnoles », ils virent des alligators somnolents, des colonies de flamants, des ibis argentés, des pélicans goîtreux et cent espèces d'oiseaux. Ils croisèrent un puma qui chassait le daim et furent impressionnés par le nombre et la taille des serpents qui ondulaient sous les jacinthes d'eau. En regagnant le Centaur , Pacal et Colson estimèrent que, parmi les spécimens de cette faune inapprivoisable, occupés à s'entretuer, seuls les grands papillons, zébrés ou multicolores, paraissaient aimables et innocents.
     
    – Puisque nous sommes si près de Saint Augustine, nous pourrions y

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