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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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répondit-il, j’ai hâte de la revoir, quoique je me sente coupable envers elle.
    — Comment cela, coupable ? Tes sentiments pour elle auraient-ils changé ?
    — Mes sentiments pour elle n’ont pas changé, ils se sont seulement approfondis. Je l’aime comme je ne croyais pouvoir aimer qu’une seule femme. C’est un peu de toi, ma chère amie, que je retrouve en elle.
    — Je le sais bien, dit Lise en tendant les mains à Bernard. Mais tu l’aimes pour elle, j’espère, pas seulement pour ce souvenir ?
    — Rassure-toi. Je l’aime pour ce qu’elle est, pour sa grâce, pour son cœur, pour son âme, pour la qualité de son esprit.
    — Eh bien alors, mon ami, je ne comprends pas.
    — Lise, songes-tu que je puis être tué demain ?
    — Ah ! ne parle pas d’une chose pareille ! Combien de fois cette horreur m’a tenue éveillée, tremblante ! Non, ce n’est pas possible, notre amour, à tous, te protège.
    — Peut-être bien, acquiesça Bernard avec un fugitif sourire. J’ai eu ce sentiment, une fois. Ce jour-là, un de mes officiers a été tué à ma place, vraiment. Il ne faut tout de même pas trop compter là-dessus. Tout soldat est un mort en sursis. Je peux être tué, ou pire, mutilé comme un de mes généraux de brigade qui a eu les deux cuisses broyées par un boulet. Alors Claudine se trouverait veuve à dix-neuf ans, ou bien accablée pour la vie d’un mari infirme. Ai-je le droit d’offrir à un être si cher un avenir si menacé ? »
    Lise le regarda longuement en lui tenant les mains.
    « Si je ne connaissais pas ta conscience, dit-elle enfin, je croirais que tu n’aimes pas Claudine, pour te poser une telle question. Je te réponds ceci, Bernard : Tu ne dois pas repousser cette enfant. Depuis que son cœur s’est ouvert, elle n’a cessé de se vouer davantage à toi. Elle est passionnément amoureuse, elle ne vit que de t’attendre. Si je savais que par malheur tu doives mourir demain, je voudrais que tu l’épouses aujourd’hui, car pour elle rien ne serait pire que de n’avoir pas été réellement tienne. Je te parle comme une femme, diras-tu, mais Claudine est une femme. Va vite la retrouver, je ne veux pas la priver davantage de ta présence. Claude et moi nous irons dîner là-bas avec vous tous, c’est déjà entendu, et il te conduira au Comité ce soir. »
    Claudine l’attendait, en effet. Elle le guettait à la fenêtre, courut lui ouvrir la porte et se jeta sur sa poitrine. Gabrielle, complice, restait dans le salon, un sourire aux lèvres, les yeux humides. Elle vit entrer le merveilleux couple : Claudine, toute grâce, fraîcheur radieuse, Bernard magnifique dans sa grave beauté.
    « Mon Dieu ! mes enfants, soupira Gabrielle, qui pourrait penser que vous n’ayez pas été faits l’un pour l’autre ? »
    Il ne fallait cependant pas songer encore à les marier. Bernard devait repartir dès demain matin. On se contenta donc de les fiancer. Ils purent passer toute la relevée ensemble. Ils allèrent, seuls, au Jardin national où ils retrouvèrent des souvenirs. N’était-ce point là que, pour la première fois, elle lui était apparue non plus comme une enfant mais comme une jeune fille ?
    Le soir, Claude le mena au pavillon de l’Égalité où il fut très bien reçu. On lui savait bon gré des dispositions dont il avait fait preuve en se déclarant prêt à marcher avec ses troupes au secours du Comité. Carnot lui exposa longuement les plans de campagne puis la stratégie que l’on voulait voir adopter : « Toujours agir en masse et offensivement, livrer de grandes batailles et poursuivre l’ennemi jusqu’à destruction entière. En toute occasion, engager le combat à la baïonnette. » Sur ce dernier point, Bernard se permit d’avoir une opinion différente. Il approuvait pleinement les autres principes, mais jugeait la charge à la baïonnette inutilement meurtrière pour l’assaillant. Il le dit sans ambages. Selon lui, elle ne devait intervenir qu’en dernier ressort, pour bousculer l’ennemi déjà ébranlé. « La baïonnette, observa-t-il, est un vestige des temps passés, un reste de la lance. L’arme moderne par excellence, c’est le canon. Celui qui possède la plus forte artillerie ou qui sait le mieux s’en servir tient d’avance la victoire. La rapidité des mouvements et la puissance du canon, voilà, si vous m’en croyez, citoyens, les éléments essentiels de la guerre moderne. C’est ainsi que

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