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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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pour cela que je les dis. J’ai assez vécu. Oui, j’ai assez vécu. J’ai vu le peuple français s’élancer du sein de la servitude au faîte de la gloire républicaine. J’ai vu ses fers brisés et les trônes coupables renversés ou ébranlés sous ses mains triomphantes. J’ai vu plus : j’ai vu cette Assemblée, investie de la toute-puissance de la nation française, marcher d’un pas rapide et ferme vers le bonheur public, donner l’exemple de tous les courages et de toutes les vertus. Achevez, citoyens, achevez vos sublimes destinées ! Vous nous avez placés à l’avant-garde. Nous méritons cet honneur, nous vous tracerons de notre sang la route de l’immortalité. »
    Si ce discours avait parfois suscité les murmures des anciens Dantonistes ou Hébertistes, il avait plus souvent encore provoqué les applaudissements. La fin souleva d’immenses acclamations. De nouveau, la traduction dans toutes les langues fut votée. Pas de doute, Robespierre venait d’assurer sa suprématie. Nul ne pouvait songer à la lui disputer. Il était désormais le premier personnage de l’État : le maître. Et pourtant, il demeurait inquiet. Non sans raison. Vadier, hochant sa tête blanche, n’avait-il pas murmuré : « Il faudra bien, tout de même, que nous l’y fassions passer lui aussi, faute de quoi c’est la dictature. » Vadier poussait avec une diligente astuce les interrogatoires de la Mère de Dieu et de ses acolytes, sans réussir à impliquer directement l’Incorruptible.
    Là-dessus, Saint-Just, répondant à l’appel qui lui avait été adressé, revint du Nord. Il n’y mettait aucun empressement. Les seuls résultats de son retour furent d’abord des querelles assez aigres avec Carnot et la commission militaire qui, disait-il, n’acheminait pas assez vite les poudres ni les eaux-de-vie. Enfin, il demanda pourquoi on l’avait rappelé. Robespierre, exposant alors la situation telle qu’il la voyait, parla d’un soulèvement aristocratique fort à craindre. Le crime de Ladmiral, provoqué par les agents de Batz, en fournissait la preuve, dit-il. Puis il fit sourdement allusion à l’existence d’une faction nouvelle.
    Eh bien, pensa Claude, les choses ont l’air d’aller assez mal entre lui et Saint-Just. Le voilà donc réduit à lui dire ça devant nous, au lieu de l’entretenir tête à tête ! En plein Comité, il accusait tout bonnement la plupart des présents, car ils ne doutaient point de figurer, selon lui, parmi les factieux. C’était contre eux, au premier chef, et accessoirement contre les aristocrates, qu’il demandait à Saint-Just un rapport visant à renforcer et accélérer la justice, afin de réprimer tous les complots. Un mortel silence accueillit sa requête. Sur quoi Saint-Just répondit que l’on en était à un point où il convenait de « détendre la corde de l’arc », non pas de la tendre encore. La justice disposait de moyens de répression suffisants. Il serait très impolitique d’aggraver le système de terreur. Pour lui, il se refusait à écrire un rapport dans ce sens. « Il faut aggraver quelque temps la rigueur, pour pouvoir la supprimer plus vite », dit Couthon. Saint-Just secoua sa belle tête. Robespierre, faisant des yeux le tour de la table, ne vit tout autour que des figures fermées ou hostiles. « Eh quoi ! tout le monde ici m’abandonne ! » s’exclama-t-il, blême de dépit. Il se leva et sortit avec colère.
    Il allait cependant trouver une grande compensation. Le 16 prairial, 4 juin, la Convention le portait à la présidence. C’était le désigner pour tenir le rôle principal dans la fête du 20, comme il le désirait. Tous les anti-Robespierristes avaient voté pour, car le laisser paraître là en pontife, en idole, en dictateur qui se dévoile, c’était aussi le meilleur moyen de le perdre. Et les Jacobins lui réservaient un coup droit. Le surlendemain, tandis que Saint-Just repartait pour le Nord, la majorité du club choisissait comme président Fouché. Dans cette Société dont Robespierre avait été le maître, donner le fauteuil à l’homme qui, le premier, avait déclaré qu’il n’existait aucun dieu, et fait inscrire au portail des cimetières : « La mort est un repos éternel », on ne pouvait infliger pire camouflet au grand prêtre de l’Être suprême.
    Maximilien comprendrait-il qu’à son tour, après celui d’Hébert, de Fabre d’Églantine, de Desmoulins, de Danton, son

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