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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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l’Incorruptible, un peu éclipsé par Collot. Il fallut se rendre à l’évidence, la jeune fille n’avait jamais entendu ces noms-là. Ce n’était qu’une petite cervelle un peu folle. Il s’en désintéressa. Elle reconnut son baluchon. Il contenait seulement du linge.
    « Je m’en suis munie, expliqua-t-elle, pour n’en point manquer là où l’on va me conduire.
    — De quel lieu entendez-vous parler ?
    — De la prison, pour aller ensuite à la guillotine. »
    Cécile Renault, dont la tante était une ci-devant religieuse, appartenait à une famille petite-bourgeoise et dévote où l’on regrettait l’ancien ordre de choses. Sa tentative, d’ailleurs bien confuse, n’avait pas d’autre source, aux yeux de Claude. Elle confirmait, en tout cas, qu’il existait, en dehors de tout complot, une résistance de plus en plus vive au régime. C’était bien plus grave encore que les conjurations. Les nouveaux triumvirs donnaient au gouvernement tout entier un air de tyrannie. Ils dégoûtaient le peuple de la république.
    Robespierre devait être très frappé. De toute la journée du 5, il ne parut nulle part. Le 6 seulement, il vint au pavillon de Flore, suivi à peu de distance par des gardes du corps bénévoles. Il voulait que l’on rappelât Saint-Just. « La liberté, dit-il, est exposée à de nouveaux dangers. Le Comité a besoin de réunir l’énergie et les lumières de tous ses membres. » Il rédigea lui-même pour Saint-Just un message hâtif, lui demandant de revenir toutes affaires cessantes. Dans son trouble, il signa deux fois. Il paraissait fort effrayé, non pas tant pour lui-même, sans doute, que pour son ouvrage. Depuis le 18 floréal, il se voyait en train de réaliser son espoir d’une république vertueuse et croyante, il conduisait le peuple vers un âge d’or. Et soudain, en réponse, ce peuple lui décochait coup sur coup deux assassins ! Claude pensait bien que Robespierre, avec sa manie de subodorer partout des complots, ne manquait point de rattacher Cécile Renault, après Ladmiral, à l’éternelle conjuration austro-anglo-royaliste. Mais, au fond de lui-même, y croyait-il vraiment ? De toute façon, d’ailleurs, son œuvre était menacée. S’il disparaissait, elle n’aurait pour défenseurs que Couthon, à moitié mort, et Saint-Just dont la foi en l’Être suprême semblait assez tiède. Pour le reste, il n’ignorait évidemment point l’hostilité de presque tous ses collègues à ses idées.
    Le soir, aux Jacobins, il se montra tout ensemble plein de grandeur d’âme et sourdement menaçant pour les « traîtres » qui s’opposeraient à son entreprise. Collot avait raconté, avec sa faconde d’auteur-acteur, son « assassinat ». On venait de décerner par acclamations le titre de jacobin au brave serrurier Geffroy tenu au lit par sa blessure, quand Robespierre parut. Voulland qui présidait, et qui était bien résolu à le perdre, le serra sur son cœur, amenant aux lèvres de Maximilien cette contraction pour laquelle Barras, Tallien, Fouché le qualifiaient de chat-tigre. Habilement, il se garda d’imiter Collot d’Herbois. Il ne parla de lui-même qu’au regard de l’intérêt général.
    « Jamais, remarqua-t-il, les défenseurs de la liberté n’ont cru pouvoir jouir d’une longue suite d’années, leur existence est incertaine et précaire… Moi qui ne crois pas à la nécessité de vivre, mais seulement à la vertu et à la Providence, je me trouve placé dans l’état où les assassins ont voulu me mettre. Je me sens plus indépendant que jamais de la méchanceté des hommes… Mon âme est plus que jamais disposée à dévoiler les traîtres et à leur arracher les masques dont ils osent se couvrir. »
    Sans doute Robespierre était-il sincère, mais cette façon de continuer à se prétendre le défenseur de la liberté quand il ne prétendait à rien de moins qu’à l’anéantir maintenant dans les esprits, exaspérait Claude. L’instinct despotique et l’infatuation qu’il avait depuis longtemps décelés en Maximilien, et dont, bien avant le 10 août, il redoutait déjà les conséquences, éclatèrent tout à coup, lorsque le jeune Rousselin, ci-devant de Saint-Albin, proposa de « décerner à Geffroy les honneurs civiques dans la prochaine fête de l’Être suprême ». Pâle de colère, Robespierre s’opposa violemment à cette motion. Parbleu ! Si on la votait, Collot et son sauveur seraient

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