Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
nouveaux venaient de se produire, devant lesquels cette protection ne pouvait plus tenir. Guillaume Dulimbert les relatait ainsi :
    « Dans la dernière décade, le Comité de surveillance d’Excideuil, en Dordogne, faisant perquisitionner au domicile d’un suspect : un nommé Carron, ex-intendant de la famille de Jumilhac, on a découvert tout un paquet de lettres écrites par la citoyenne Montégut et portant, paraît-il, le caractère le plus marqué de contre-révolution. Cette correspondance a été transmise avec diligence au comité de Limoges qui l’a reçue avec les transports dont tu peux te douter. Si, parmi les commissaires siégeant dans l’hôtel Naurissane, le c. et le p. (1) ont dû être seulement très satisfaits de découvrir enfin la preuve de la contre-révolution chez une femme dès longtemps soupçonnée, j’imagine que l’ancien s. r. (2) a frémi de joie à cette occasion de se revancher en frappant la sœur de son vieux rival et intime ennemi, de lui faire payer cette gloire dont son âme venimeuse s’offusque. Un mandat d’amener a été délivré sur-le-champ. Devant le comité, la jeune femme a vainement essayé de renier ses lettres. Finalement, elle aurait dit : « S’il est vrai que je les aie écrites, il fallait que je fusse folle. » On l’a incarcérée à la Visitation. Montégut, tenu pour suspect dans l’affaire, s’est vu expédier en surveillance au camp de Champenétéry, canton de Saint-Léonard. Le père et le frère Delmay sont en prison eux aussi. Vergnaud, le juge de paix de la section Liberté, a été requis de perquisitionner à leur domicile. Nous savons qu’il n’a découvert aucune pièce contre eux, au grand dépit du s. r. Il serait heureux, je gage, d’anéantir toute la famille. En vérité, n’étaient leurs liens avec notre glorieux frère et ami, tous ces gens-là n’inspireraient guère la pitié. Ce sont, malgré leur modeste condition, des aristocrates bien plus forcenés que ton ex-beau-frère Naurissane et ta belle-sœur. La citoyenne Montégut a certainement entretenu des relations avec les prêtres ultramontains cachés. Elle seule est en danger, mais elle court le plus grand risque. Ni ton père ni moi ni nos amis ne pouvons rien pour elle. Sur requête de l’agent national près le District, les administrateurs, dans leurs délibérations de ce jour même, ont décidé l’envoi du dossier au Comité de Sûreté générale et le transfert de la prisonnière à Paris, comme le prescrit la loi de nivôse. Je te préviens à l’instant. Quand ma lettre te parviendra, les pièces seront sans doute au Comité. »
    Le décret du 18 nivôse ordonnait que nulle cause contre-révolutionnaire ne serait plus jugée dans les départements. Le Comité de Salut public, effrayé dans sa majorité par les outrances des Carrier, des Collot d’Herbois, des Fouché et des Hébertistes régionaux, avait présenté cette loi pour mettre un terme aux exécutions sommaires ou injustifiées, à des procès dans lesquels les rancunes locales intervenaient souvent davantage que le sentiment de la justice. Depuis lors, la guillotine ne fonctionnait plus en province, sauf pour les crimes de droit commun. Tous les prévenus de contre-révolution devaient être envoyés au Tribunal révolutionnaire.
    C’était une mesure sage et humaine, de même que l’institution des commissions populaires de révision des dossiers, dont une fonctionnait au Muséum, pour faire libérer les prisonniers injustement détenus. Mais la nouvelle loi arrachée à la Convention par Couthon et Robespierre, avec l’appui de Billaud, transformait cet envoi des prévenus à Paris en une véritable marche au massacre. Avec la suppression de tout débat au Tribunal révolutionnaire, de la défense, de l’interrogatoire même, on ne comparaissait que pour reconnaître son identité et s’entendre condamner à mort. Afin d’anéantir dans la Convention et dans le pays les ennemis de la vertu, et dispenser à la nation le bonheur sous l’égide de l’Être suprême, Robespierre et Couthon commençaient par décimer la France. De fait, il n’existait plus qu’un seul juge : l’accusateur public. Il jugeait dans son cabinet en décidant, au vu d’un dossier, d’envoyer ou non le prévenu devant le tribunal. Cela revenait à prononcer la mort ou la vie. Or, Fouquier-Tinville n’ignorait point que le bureau de police dirigé par Couthon et Robespierre en l’absence de

Weitere Kostenlose Bücher