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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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longtemps, nous ne correspondons plus.
    — Je suis pourtant bien certaine qu’il vous aime toujours. Il faut lui écrire. Il ne se peut pas qu’il ne fasse rien pour vous.
    — On ne laissera point partir ma lettre.
    — Ne vous en souciez pas, ma bonne. Écrivez seulement, je sais comment lui expédier votre missive par le canal d’un de ses amis. »
    Elle pensait à l’affreux et serviable Guillaume Dulimbert auquel sa férocité envers les prêtres enfermés au Séminaire avait valu l’inspection générale des prisons. Et, de même qu’en dérobant le chef de saint Martial, là de même il prenait secrètement des gages en cas d’un retournement de la situation. Thérèse conseilla également à Léonarde de se dire malade. C’était vrai. Après le choc, la peur entretenait en elle une petite fièvre nerveuse, lui coupait les jambes, lui donnait des vapeurs. Mais le docteur Périgord, chirurgien de la maison d’arrêt, commis pour examiner « la Delmay, femme Montégut », conclut que tout cela provenait seulement « des affections de l’âme », laquelle était en ce moment fort agitée. « D’ailleurs, ajoutait-il, cette fièvre ne peut pas l’empêcher de voyager, toutefois en voiture. »
    En foi de quoi, le lendemain à la première heure, les administrateurs du District invitaient le receveur de l’agence nationale à verser au lieutenant de la gendarmerie de Limoges la somme de cinq francs quinze sous pour le transfert de la nommée Delmay, femme Montégut, jusqu’à la limite du département, à raison de cinq sous par lieue de poste, et ils chargeaient ledit lieutenant d’organiser le voyage. Ces deux bouts de papier, signés par les obscurs citoyens David et Romanet, mettaient en marche une suite d’opérations banales : mécanisme que rien n’arrêterait plus. Le lieutenant ordonna au brigadier Valette de louer une carriole, puis le munit des papiers nécessaires pour aller à la Visitation se faire remettre la femme Montégut avec laquelle il partirait sans délai, afin de la conduire par étapes à Argenton.
    Lorsque le concierge de la maison d’arrêt vint avertir Léonarde, elle manqua de pâmer. Elle n’avait qu’un instant pour rassembler ses affaires, mais elle en était incapable, elle tremblait trop, elle se tenait à peine. Thérèse et ses voisines lui préparèrent son baluchon. Le concierge et un geôlier la portèrent quasiment puis la hissèrent dans la voiture : une petite carriole bâchée où elle demeura inerte jusqu’à ce que le brigadier, après avoir donné décharge de la détenue, revînt et dît au conducteur de toucher. On monta le faubourg, on passa devant la Manufacture de porcelaine. Léonarde regardait avidement, dans la lumière cruellement joyeuse, ces maisons, ces murs crépis, ces clos, depuis si longtemps familiers et qu’elle ne reverrait peut-être plus. Quand on eut dépassé la dernière auberge après le bois de La Bastide, elle eut une crise de pleurs. Elle sanglotait en appelant tout bas ses enfants, son mari. Le brigadier Valette en était remué.
    « Allons, allons, pauvre femme, lui dit-il, ne vous tournez pas les sangs comme ça. Tout n’est pas perdu pour vous.
    — Non, s’il y a une justice, répondit-elle à travers ses sanglots. Car je n’ai pas commis grand mal. Je n’ai rien fait contre les carmagnoles hormis d’en rire sans méchanceté. Ai-je empêché mon frère d’aller servir la république et de lui remporter des victoires ! »
    En parlant, elle revenait à elle. Le voiturier, qui fumait sa courte pipe en terre, assis sur un des brancards, les jambes pendantes, se mêla aux propos. Il habitait aux Petites-Maisons, dans la section de la République ; il avait fait quelquefois des transports pour la boutique. Le gendarme non plus, ancien archer du guet, n’était pas inconnu à Léonarde. Il lui dit qu’elle ne devait pas considérer son transfert à Paris comme une mesure prise contre elle. Simplement, les tribunaux provinciaux ne pouvaient plus juger les affaires de politique. « Le Tribunal révolutionnaire, ajouta-t-il, n’est point terrible, il a prononcé bien des acquittements. » Peu à peu, Léonarde se ressaisit, et néanmoins Paris, au bout du voyage, continuait à l’angoisser. Paris qu’elle ne connaissait pas : cette ville épouvantable où l’on avait massacré les prêtres, tué le roi, la reine, les citoyens Vergniaud, Gorsas, Lesterpt-Beauvais !
    Pendant deux jours, sous

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