Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
ne produisaient nul effet. La lunette montrait ces tourbillons de grosse cavalerie, avec l’étincellement des cuirasses, des sabres, noyés dans les vagues bleues et blanches d’où les escadrons se dégageaient avec peine pour repartir à la charge. Le seul résultat était de permettre à la division Lefebvre de combattre en reculant. Elle se retirait par échelons sur Ransart. Bernard avait envoyé à Championnet, qui se trouvait dès à présent coupé de l’aile droite et en grand risque d’être tourné, l’ordre de quitter ses positions pour se replier sur ce même village. Jourdan fit sonner par les trompettes la retraite de la cavalerie, et il regagna lui aussi Ransart où Bernard, le rejoignant, trouva plusieurs messages des aérostiers. Ils ne lui apprirent rien, sauf que, à l’extrême gauche du champ de bataille, Kléber poursuivait triomphalement sa manœuvre. Il avait tronçonné les corps ennemis. Avec Montaigu d’un côté, Morlot de l’autre, il n’aurait nulle peine à les écraser.
    Saint-Just, Le Bas, Jourdan et Bernard délibérèrent rapidement au bruit des combats qui continuaient en avant du hameau. Si l’on réussissait à ramener Marceau comme on avait ramené Lefebvre et Championnet, on pourrait encore tenir un front raccourci de Montigny, sur la Sambre, à Gilly et Ransart, jusqu’à ce que l’aile gauche, par son mouvement tournant, obligeât les Austro-Bataves à diminuer là leur pression sur le centre et la droite pour reporter toute leur puissance sur leur flanc en danger. Alors on reprendrait l’offensive générale avec toutes les chances de saisir en tenaille toute l’armée adverse. Hélas, un nouveau message de l’ Entreprenant vint à l’instant même ruiner cet espoir. L’aérostat signalait que de gros contingents hollandais, contournant le bois de Lambusart, étaient en train d’occuper la boucle du Pont-du-Loup. Ils allaient couper Marceau, et l’armée entière, de la Sambre.
    Dans ces conditions, vouloir se maintenir sur cette rive eût été folie. On expédia immédiatement à Marceau l’ordre de gagner la rivière et de la passer par le pont du Châtelet, au magnifique Kléber l’ordre d’abandonner son mouvement victorieux et de se retirer avec Morlot et Montaigu, au général Hatry l’ordre de protéger le repli du génie. Puis l’état-major, avec les corps de Lefebvre et de Championnet, battit en retraite sur Montigny en avant duquel de fortes batteries furent installées. Avec des pointes de la grosse cavalerie, elles tinrent l’ennemi à distance tandis que, les uns après les autres, en bon ordre, toutes les divisions, le génie, le matériel, et l’ Entreprenant sur son chariot, repassaient la Sambre. À cinq heures du soir, tout était fini. On avait sacrifié cinq mille hommes pour rien. Toutefois Bernard estimait que les pertes alliées devaient être bien supérieures. D’autre part, on tenait de solides têtes de pont qui ne se laissèrent point entamer. L’artillerie rendit les abords de la place et toute la rive, jusqu’à Pont-du-Loup, intenable à l’armée du prince d’Orange qui, affaibli, menacé d’une contre-attaque, dut, dans la nuit, regagner ses positions de la veille.
    Dès le jour, Saint-Just voulut ordonner aux généraux Marescot et Hatry de reprendre le siège. Jourdan s’y opposa, les troupes avaient besoin de repos. Le jeune commissaire alors les parcourut, exhortant les hommes, menaçant les officiers. Il fit arrêter et juger ceux du bataillon qui, dans le corps d’armée Morlot, s’était débandé. « Quand les soldats s’enfuient, déclara Saint-Just, la faute en est aux officiers. Ils les ont mal entraînés ou mal commandés. » Bernard n’ignorait point la nécessité de la discipline, mais de tels aphorismes lui paraissaient stupides, faux et révoltants. Il ne lui restait pas grand-chose de sa sympathie pour ce garçon, autrefois si séduisant, dans lequel il ne voyait plus qu’un tyranneau ivre de son pouvoir et totalement étranger aux principes républicains. Il y avait eu un moment, à Strasbourg, où il fallait être impitoyable. Il l’avait été, mais la rigueur dont il ne parvenait plus à se défaire l’empoisonnait visiblement. Elle l’isolait dans une aridité tout intellectuelle : un désert que n’irriguait plus nul sentiment humain. Il perdait contact même avec Le Bas. Il errait, l’œil sombre, venait au quartier général exiger que l’on reprît l’offensive.

Weitere Kostenlose Bücher