Un vent d'acier
girondinistes. Le mot traîtres évoquait redoutablement le Tribunal révolutionnaire, et l’on savait à présent, par l’exemple de Brissot, de Vergniaud, de Carra et autres, que nul n’était à l’abri du décret d’accusation. Le club et les fédérés ajoutèrent un poids plus lourd aux paroles de l’Incorruptible en décidant d’inviter impérieusement l’Assemblée à ne point se séparer. À la Convention, on comprit. On ne parla plus de préparer les élections.
De son côté, Robespierre, un peu rassuré par l’attitude des Jacobins, demeura dans l’expectative envers les nouveaux venus au pavillon. Il s’abstint d’y paraître pendant quatre jours. Sur les instances de Couthon, de Claude, de Jean Bon Saint-André, il consentit à y revenir le 18, et dut constater le zèle, la compétence, la passion patriotique de Carnot et de Prieur. Il put bientôt se convaincre que leur seul but, leur seule pensée, c’était d’obtenir par tous les moyens la victoire militaire, et ils s’y vouaient corps et âme. Dès lors, son attitude changea entièrement. Imitant les Jacobins, la Convention, matée, l’avait élu au fauteuil. Pour la première fois depuis qu’il existait une Assemblée nationale, il la présidait. Il s’y fit le plus ferme défenseur du Comité. Le 29, Billaud-Varenne ayant, avec Danton, proposé la création d’une commission spéciale chargée de surveiller le pouvoir dans l’exécution des lois, Maximilien s’y opposa péremptoirement, et, comme ses adversaires habituels se remettaient à s’agiter, criaient au veto, il riposta, leur coupant toute réplique :
« Je m’aperçois qu’il existe un système perfide de paralyser le Comité de Salut public en paraissant l’aider dans ses travaux, et qu’on cherche à avilir l’exécutif afin de pouvoir dire qu’il n’y a plus en France d’autorité capable de manier les rênes du gouvernement. »
Défendu, poussé par Robespierre, le Comité organisa militairement la « fureur populaire », comme le disait Carnot. À la demande des fédérés, le 23, la Convention avait voté le décret de levée en masse préparé par Barère et Carnot. La nation tout entière se trouvait désormais requise. « Jusqu’à ce que les ennemis soient chassés du territoire national, ordonnait le décret, tous les Français sont en réquisition pour le service des armées. La levée sera générale. Les citoyens non mariés ou veufs sans enfants, de dix-huit à vingt-cinq ans, marcheront les premiers ; ils se rendront sans délai au chef-lieu de leur district, où ils s’exerceront tous les jours au maniement des armes, en attendant l’ordre du départ. Le bataillon qui sera organisé dans chaque section sera réuni sous une bannière portant cette inscription : Le Peuple français debout contre les tyrans. Les hommes mariés forgeront les armes et transporteront les subsistances, les femmes feront des tentes, des habits et serviront dans les hôpitaux, les enfants mettront le vieux linge en charpie, les vieillards se feront porter sur les places publiques pour exciter le courage des guerriers, prêcher la haine des rois et l’unité de la république. Nul ne pourra se faire remplacer dans le service pour lequel il est requis. Les armes de calibre seront exclusivement confiées à ceux qui marchent à l’ennemi ; le service de l’intérieur se fera avec des fusils de chasse et l’arme blanche. Les chevaux de selle seront requis pour compléter les corps de cavalerie, les chevaux de trait autres que ceux employés à l’agriculture conduiront l’artillerie et les vivres. Les propriétaires, fermiers et possesseurs de grains seront requis de payer en nature leurs impositions. »
En même temps, la Convention avait placé tous les travaux des manufactures sous la surveillance « immédiate et exclusive » du Comité en lui donnant pleins pouvoirs pour diriger la fabrication extraordinaire des armes. C’était l’affaire du jeune Prieur, contemporain de Claude, qui, déjà chargé des fournitures militaires, le secondait. Tandis que Carnot organisait les onze armées en formation, et en même temps dirigeait celles qui existaient déjà, adressait aux généraux des ordres d’ensemble et de détail, Prieur et Claude firent de Paris l’arsenal de la France. Ils installèrent des forges au Luxembourg, aux Tuileries, sur la place de la Révolution, sur celle des Piques, sur l’esplanade des Invalides : deux cent
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