Un vent d'acier
arrêté par l’ennemi entre Cassel et Bergues, était incapable de se dégager. « Le général Jourdan, ajoutait son chef, me marque qu’il marche avec sa division légère au secours du général Barthel, j’espère qu’il rétablira la situation et repoussera l’ennemi. » Le surlendemain, on apprenait que c’était chose faite.
« Il faut, dit Claude, enlever le commandement du centre de l’armée à ce Barthel incapable, pour en charger Jourdan.
— J’en suis d’accord, acquiesça Carnot, j’allais le proposer. L’énergie avec laquelle manœuvre Jourdan m’inspire grande confiance. »
La veille, on avait reçu une bonne nouvelle : Bordeaux s’était soumis. Deux autres arrivèrent coup sur coup, les jours suivants : le général Carteaux, après avoir ramené Avignon à l’obéissance, signalait qu’il venait de soumettre Marseille. Hélas, dans le même temps, les Mayençais envoyés en Vendée s’y faisaient battre ainsi que Santerre et Rossignol. Et les contre-révolutionnaires retranchés dans Lyon y tenaient toujours malgré le bombardement de la ville, auquel Dubois-Crancé, successeur de Robert Lindet là-bas, s’était finalement résolu. Mais enfin tout cela demeurait secondaire, le danger capital se trouvait au nord. Si les Anglais, s’emparant de Dunkerque, établissaient là une tête de pont, il leur serait facile d’envahir la côte ouest, de donner la main aux Vendéens, tout en faisant en Flandre leur jonction avec les Hollandais et les Autrichiens. La marée de la coalition déferlerait alors de toutes parts, entre la mer et le Rhin. Qu’attendait donc Houchard ? Il laissait Jourdan, le général Romanet – un autre Limougeaud, ci-devant noble – subir de grosses attaques en Flandre maritime, et se disait fort content d’eux : « Je ne puis que me louer de la conduite brave et intelligente de ces deux généraux », écrivait-il. Mais son offensive restait en plan.
Enfin, devant les ordres comminatoires de Carnot, talonné sur place par les représentants en mission Levasseur et Delbrel dont le Comité aiguillonnait l’énergie, il fit savoir qu’il passerait à l’action sous vingt-quatre heures. Et, le 9 septembre dans la nuit, son bulletin de victoire parvenait au pavillon de l’Égalité où Carnot veillait avec Barère et Saint-Just.
Le rapport des commissaires arriva le lendemain. « La bataille, disaient-ils, a duré trois jours. Le 6 au matin, l’armée s’est engagée sur toute la ligne, avec Hondschoote comme objectif. Ce premier jour, la droite et le centre ont d’abord refoulé très énergiquement les Autrichiens, franchi l’Yser. Le centre, poussant jusqu’à Rexpoëde, a fait prisonnier, un moment, le général Freytag ; mais, contre-attaque à la tombée de la nuit, Jourdan a dû battre en retraite. Nonobstant, l’ensemble de la journée fut favorable à nos armes. Le général Jourdan, au commandement du centre, s’est particulièrement distingué. La lutte, fort rude, se prolongea très avant dans la nuit. Au contraire, le 7 n’a pas vu de grands engagements ; le centre s’est borné à maintenir ses positions, tandis qu’aux ailes de petits combats préparaient l’action du lendemain. Et, le 8, la bataille reprit toute sa violence avec la marche convergente des trois corps de l’armée sur Hondschoote. La résistance ennemie fut acharnée. Marchant droit au village, le général Jourdan s’en empara, mais la position fut disputée ; perdue et reprise plusieurs fois. Finalement les Autrichiens cédèrent sur toute la ligne et se replièrent sur Furnes. Le général Jourdan, dont nous ne pouvons trop louer la conduite en ces trois journées, a été légèrement blessé à la poitrine. » Suivait un post-scriptum : « À l’instant de clore, nous apprenons que le séide York, inquiété par cette victoire, lève le siège de Dunkerque et se retire lui aussi derrière la frontière. Bientôt, citoyens, la terre sacrée de la liberté sera délivrée des hordes d’esclaves qui la souillent, et la Belgique couverte de bataillons français. »
Enfin ! Pour la première fois depuis Jemmapes – un an bientôt –, la victoire revenait sous les drapeaux de la république. Petite bataille, sans doute, incomplète, car Freytag n’avait pas été écrasé ni York entamé seulement, mais considérable par ses conséquences. Elle privait les Anglais de leur ouverture sur le territoire national, effaçait de ce côté
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