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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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insista, perdant patience. De son côté, Carnot, orgueilleux, têtu, s’obstinait. La querelle risquait de tourner mal, de compromettre irrémédiablement leur amitié fondée sur une profonde estime réciproque, lorsque Bernard trancha la question sans le savoir en écrivant à Carnot :
    « Citoyen, les représentants Saint-Just et Joseph Le Bas me disent que tu juges nécessaire de placer les deux armées sous les ordres du général Hoche. Ils semblent craindre que je n’en prenne ombrage. J’espère que cette pensée ne t’est pas venue un instant, citoyen. Le général Hoche nous a rejoints auréolé de la victoire. Il en prend tout naturellement sur les soldats un ascendant auquel je ne puis prétendre, n’ayant à leur tête partagé avec eux que la mauvaise fortune. Ils auront assurément plus de cœur pour marcher à l’ennemi sous un chef qui nous arrive déjà victorieux. J’ai moi-même beaucoup de confiance en lui. Nous nous entendons comme le font naturellement des frères républicains, et il sait que je le seconderai de toutes mes forces. Ne perdons plus un instant, citoyen. L’Alsace doit être nettoyée avant l’hiver. Salut et fraternité. »
    Carnot triomphait, non sans un peu de gêne.
    « Eh bien, Mounier-Dupré, tu vois ! dit-il.
    — Oui, je vois. Je vois qu’aucun de nous ne serait seulement digne de lui cirer les bottes, à Delmay. Il n’y a jamais eu d’homme qui fasse plus simplement, plus naturellement honneur à l’homme.
    — Le fait est qu’il paraît avoir un beau caractère, reconnut Carnot. Il me faudra examiner avec plus de soin son dossier. »
    À côté de Bernard, tous ces Hébertistes, Dantonistes, les Chabot, les Fabre et autres requins barbotant dans les eaux troubles et sanglantes de la Révolution pour y satisfaire leur dévorant appétit donnaient à Claude la nausée. Trop longtemps il avait cru les Montagnards désintéressés, animés comme lui, comme Bernard, comme Dubon, par la seule passion de la liberté, de la justice. Les yeux ouverts à présent, il en voyait trop appliquer la cynique maxime de Danton : « Vous êtes dessous, mettez-vous dessus. »
    C’était à qui s’arracherait le gâteau. Et Danton lui-même, loin de se tenir tranquille après la séance d’épuration qui aurait dû lui montrer sa faiblesse, n’était-il pas en train de reprendre l’opération amorcée l’été dernier ? Tout en réclamant, à la tribune, les mesures les plus énergiques. – « Non seulement je ne demande pas le ralentissement des mesures révolutionnaires, mais je me propose d’en présenter qui frapperont plus fort et plus juste » – dans les couloirs il parlait de clémence, de mettre fin à « cette boucherie de députés », de « fixer un terme à la Révolution ». Il croyait sans doute le temps venu d’accomplir sa dernière manœuvre : arrêter la guillotine, désarmer le Tribunal révolutionnaire dont il avait lui-même demandé l’accélération, et récolter l’immense popularité promise à celui qui délivrerait la France de la Terreur. Sa dernière manœuvre ! elle pourrait bien l’être, effectivement, mais pas de la façon dont il l’entendait.
    Un soir de frimaire le bien nommé, où, malgré les poêles ronflant dans la vieille chapelle des Jacobins, on sentait le froid ; comme on levait la séance, Claude s’approcha de cet homme qu’il ne voulait plus appeler Georges, et lui dit : « Je t’ai prévenu mainte fois, Danton. Tu ne m’entends pas davantage que les Brissotins n’ont voulu t’entendre. Tant pis pour toi ! Ne me compte plus au nombre de tes amis.
    — Mais voyons, Claude !…
    — C’est tout vu. Je n’aime pas les gens qui protestent de leur amitié et vous écorchent par-derrière. »
    Danton, en marge de l’Assemblée, attaquait sournoisement le Comité, lui reprochant de conduire la guerre avec faiblesse et de négliger la diplomatie.
    « La politique et l’amitié sont deux choses sans rapports.
    — Pas pour moi », trancha Claude en se dirigeant vers le porche.
    Sous la neige qui tombait à petits flocons fugaces dans la nuit, il regagna le pavillon de l’Égalité, pour travailler deux ou trois heures encore.
    Le lendemain, à l’éventaire du citoyen Avril qui avait repris la boutique de feu la citoyenne Lesclapart, au pied du grand escalier, dans le pavillon de l’Horloge, s’étalait un nouveau journal : Le Vieux Cordelier, rédigé, annonçait une affiche,

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