Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Titel: Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Claude Pomonti
Vom Netzwerk:
respecté ».
    La crédibilité de Pham Xuân Ân est telle qu’après la victoire communiste de 1975 et alors que les journalistes étrangers ont été expulsés du Sud, Time lui confie la responsabilité de son bureau à Sài Gòn jusqu’à sa fermeture par les autorités l’année suivante. En 1989, dans un entretien avec Morley Safer, coéditeur du fameux programme Soixante Minutes de la chaîne américaine CBS  – entretien censé être privé mais que Safer a publié –, Pham Xuân Ân a ajouté que ses supérieurs communistes ne lui avaient jamais demandé de tronquer ses articles. « Non, a-t-il dit. Ils étaient assez intelligents pour savoir que de telles informations seraient vite repérées. On me rappelait tout le temps que je ne devais rien faire qui serait susceptible d’affecter mon travail de journaliste. » Pham Xuân Ân a d’ailleurs une idée précise du journalisme. « Les bons journalistes, dit-il, de manière toujours sentencieuse, sont ceux qui gardent leurs notes et continuent de les consulter. »
    Les bibliothèques de son salon sont pleines et bien rangées. À l’occasion – c’était en février 2005 –, il en retire une copie de « l’ordre de bataille » de l’armée sud-vietnamienne en date du 11 novembre 1974, soit à l’avant-veille de l’offensive communiste qui devait se terminer par la victoire. Les chiffres sont impressionnants : dans les rangs de l’armée sudiste, près d’un million de soldats, plus d’un million de paramilitaires, dont plus de cent mille policiers et près d’un million de miliciens armés, sans parler d’un matériel comprenant des chasseurs-bombardiers et des centaines d’hélicoptères. Pourtant, de la prise de Buôn Ma Thuôt à la capitulation de Sài Gòn, sept semaines seulement s’écouleront. « Nixon en avait fait la cinquième armée du monde », répète Pham Xuân Ân, en feuilletant le document. Mais, lorsqu’il avait, sur le moment, récupéré cet « ordre de bataille » du Sud, il n’en avait pas été dupe. La « cinquième armée du monde » existait davantage sur le papier que dans la tête des gens qui la formaient.
    « Une fois tous les deux ou trois mois, en moyenne, j’allais au rapport, dans la région de Cu Chi, mais dans un autre endroit que celui montré aujourd’hui aux touristes », dit-il.
    La plupart de ses rendez-vous avaient lieu à Hô Bo, une forêt située à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Sài Gòn. Il choisissait de s’absenter de préférence le week-end, ce qui était plus discret.
    À une trentaine de kilomètres de Sài Gòn, le district de Cu Chi, en partie couvert par des plantations d’hévéas, abritait un dédale de souterrains utilisés par des éléments de l’état-major avancé communiste. Il reste aujourd’hui une petite partie de ces souterrains, entretenus et aménagés à l’intention des touristes. Pham Xuân Ân se rendait plus à l’écart pour y rencontrer ses supérieurs, les poches vides. Compte tenu du risque d’interception, il transportait rarement lui-même des documents et des courriers agréés s’en chargeaient. Dans le milieu de la presse, une absence de quelques jours ne risquait guère d’être relevée car la plupart des correspondants se rendaient régulièrement au « front », ainsi qu’on le disait, ou en province.
    Pham Xuân Ân a survécu dans la clandestinité jusqu’à la victoire parce qu’il s’est entouré d’un maximum de précautions. Il sélectionne lui-même ses courriers et n’hésite jamais à rejeter une candidature quand il ne la trouve pas entièrement sûre. Sur les quarante-cinq membres du réseau chargé de l’appuyer, vingt-sept ont été capturés ou tués. Il s’enferme dans les toilettes de son domicile à Sài Gòn pour déchiffrer les documents qu’il a récoltés. En cas de surprise, il dispose ainsi d’un laps de temps pour les détruire car ses bergers allemands successifs montent la garde devant la porte. Ils les a dressés à gémir discrètement dès qu’ils sentent la moindre anomalie.
    Quand il doit rencontrer un autre agent de liaison en ville, ce qu’il évite au maximum de faire, il s’assure lui-même que ni l’un ni l’autre ne sont suivis et emmène son berger allemand. Son épouse le suit à distance pour pouvoir alerter la résistance en cas d’arrestation. Seules sa femme et sa mère sont au courant de ses activités. Personne d’autre, dans

Weitere Kostenlose Bücher