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Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Titel: Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Claude Pomonti
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séjour aux États-Unis. Il est toujours heureux de recevoir des nouvelles de ses amis américains lorsqu’un visiteur de passage lui en donne. Certains amis, parmi lesquels des Américains, lui manquent. Mais je doute fort que Pham Xuân Ân soit écartelé entre son pays et cette société au sein de laquelle il n’a vécu que deux années.
    Les meilleurs souvenirs de son séjour outre-Pacifique lui ont peut-être donné l’impression que la vie a perdu, par la suite, un peu de son goût, de son charme, de sa « part de rêve », ainsi que le disait Nguyên Hung Vuong. Sans doute s’est-il demandé, à certains moments, quelle aurait été sa vie en Amérique s’il s’y était rendu dans d’autres circonstances et y était resté. Mais, chaque fois, il a dû remettre assez vite les pieds sur terre : il a toujours su qu’il s’était rendu aux États-Unis en mission du Parti, dont il était membre depuis quatre ans. Cette mission est déjà un défi : se rendre au centre du pouvoir pour en comprendre les mécanismes et mieux le neutraliser. Un défi qu’il a mené à son terme jusqu’à la victoire. Pham Xuân Ân sait donc que, le moment venu, il doit regagner son pays. Le PC , a-t-il dit un jour, ne l’aurait pas autorisé à épouser une Américaine. Ses liens d’amitié avec des Américains ne pouvaient pas le détourner de sa tâche.
    Ainsi va son destin. Les choix qu’il a fait dans sa jeunesse le ramènent, à chaque pas, à la réalité. Pendant la guerre, quand il est amer, il ne s’en cache qu’à moitié en reprenant le vieux refrain du « Tout va très bien, madame la marquise…». Il ne reste, alors, qu’à changer de sujet de conversation. Quand Morley Safer dit que « Pham Xuân Ân a fait de son mieux pour agir selon sa conscience », il relève le point le plus sensible. La « conscience » est aussi celle d’un héritage, un sens profond de l’histoire de son pays qu’on a toujours tendance, en la ramenant au présent, à simplifier.
    Ce qui unit les Vietnamiens, culturellement, est beaucoup plus fort que leurs divisions. Mais leur diversité est également l’une de leurs richesses. Chaque région a son tempérament, ses coutumes, ses expressions culturelles. Pham Xuân Ân est bien placé pour le savoir. Lui-même est originaire du Centre et son épouse du Nord, d’où elle est arrivée en 1955. Il n’a pratiquement vécu que dans le Sud, le Midi du Viêt Nam, terre de colonisation plus récente et confluent d’influences variées. Son tempérament est saigonnais.
    Avant le début de la Deuxième Guerre mondiale – et l’occupation militaire japonaise de l’Indochine française –, de nombreux courants ont représenté le nationalisme moderne : communistes, trotskistes, pro-japonais, pro-chinois, nationalistes modérés, nationalistes intransigeants. Ces divisions se sont parfois réglées de façon sanglante et ont laissé des traces. Mais quand la génération de Pham Xuân Ân s’est éveillée à la politique, les derniers comptes entre ces mouvements se réglaient au bénéfice du Viêt Minh, une Ligue tenue par les communistes et qui avait éliminé ses concurrents. Hô Chí Minh a été, en 1945, le père de l’indépendance. Que Pham Nguyên Ân se soit mis, adolescent, au service du Viêt Minh n’a pas entamé, chez lui, la conscience de la diversité des Vietnamiens. Même aujourd’hui, ces derniers sont encore en mouvement, un mouvement à sens unique vers le Sud et, pour l’essentiel, à l’intérieur de leurs frontières.
    « Le spectacle m’a écœuré », m’a-t-il raconté un jour. La scène s’était passée en 1945. Après avoir interné les Français, les militaires japonais les avaient humiliés et torturés devant les Vietnamiens. Il avait vu des civils français attachés en plein soleil et auxquels les Japonais refusaient de quoi boire.
    Pham Xuân Ân ne porte sûrement pas les coloniaux français dans son cœur. Il veut contribuer à mettre fin à l’autorité française sur son pays. Mais, à l’image de beaucoup de ses compatriotes, il est sensible à la cause du plus faible. Il n’a pas oublié la scène. J’ai l’impression qu’il incarne ce que les Vietnamiens ont de plus généreux. Curieux, il est naturellement cosmopolite. Il respecte l’étranger pour peu que ce dernier garde conscience de son statut d’invité. L’étranger bénéficie même, à ses yeux, d’un préjugé favorable. Trait également

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