Une histoire du Canada
accord avec un autre peuple de langue iroquoianne, les Hurons. Champlain voyage avec les Hurons et passe l’hiver avec eux lorsqu’il explore les Grands Lacs en 1615 et 1616. Les Hurons sont bien au fait de l’avantage que confère le commerce avec les Français ; et les Français voient bien l’avantage qu’il y a à maintenir une distance entre les Hurons et leurs voisins iroquois car ils représenteraient ensemble une grave menace militaire, peut-être fatale, pour la nouvelle-France. À ces considérations banales, il faut ajouter le calcul des âmes, car les Jésuites considèrent les Hurons comme des candidats idéaux à la conversion. Les Français mettent donc une condition spirituelle à leurs échanges commerciaux : les Hurons doivent accueillir les Jésuites, avec leurs robes noires typiques, et ceux-ci doivent être libres de faire du prosélytisme.
Les Jésuites (de leur véritable nom, la Compagnie de Jésus) ne sont pas les premiers membres d’un clergé catholique à parvenir en nouvelle-France. Cet honneur revient aux récollets, arrivés en 1615 et qui, en raison de leur vocation active et de leur penchant à l’austérité, sont les rivaux des Jésuites, plus verbeux, qui ne débarquent qu’en 1625. La reprise par les Jésuites d’une ancienne mission des récollets chez les Hurons en 1634 ne fera rien pour améliorer les relations entre les deux ordres.
Cette rivalité cléricale n’est qu’une fausse note secondaire, quoique amère, dans la mission des Jésuites au Canada. L’entreprise jésuite est planifiée avec soin et accomplie de manière réfléchie. Pour l’essentiel, les Jésuites forment un ordre missionnaire et, dans les années 1620, ils ont accumulé soixante-dix années d’expérience avec leurs missions en asie.
ils mettent bien sûr cette expérience à profit en amérique. Commençant par apprendre les langues autochtones avant d’étudier la culture locale, ils vivent parmi leurs convertis en puissance. il ne saurait être question de convertir de force – les soldats français les plus proches se trouvent à Québec, soit à huit cents kilomètres – mais on prêche par l’exemple, une entreprise pénible et exigeant du temps.
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UnE HIsTOIRE dU Canada
nombre de Hurons refusent de se convertir. Leur culture religieuse est bien établie et ils préfèrent leurs propres shamans aux prêtres français.
Les Français ont cependant un autre argument, quoique dangereux : les maladies qu’ils (entre autres) ont apportées d’europe et qui, dans les années 1630, ont ravagé les peuples iroquoiens de la région des Grands Lacs. si les shamans avaient été efficaces, soutiennent les Jésuites, ils auraient dû empêcher cette épidémie. ils en sont bien sûr incapables – mais les Jésuites également.
À mesure que l’intervention des Jésuites prend forme, les conversions – non pas généralisées mais nombreuses – suivent parmi les Hurons. À un certain moment, on retrouve quinze prêtres en Huronie ; à cette époque, sainte-Marie-au-pays-des-Hurons, la mission principale, est un fort entouré de palissades et abritant une église, des habitations et des maisons longues pour les Hurons convertis.
Pour ce qui est de l’approche de la conversion utilisée par les Jésuites, elle est efficace. s’adaptant aux coutumes des indigènes et parlant leurs langues, les Jésuites renoncent en bonne partie au sentiment de supériorité qui gâche l’attitude des européens à l’endroit des amérindiens.
vu la brièveté de la mission huronne, certaines limites ne seront cependant pas franchies. seuls ou en tant que groupe, les convertis deviennent, dans un certain sens, des pupilles des prêtres, dont il faut certes prendre soin et qu’il faut traiter comme des êtres humains, mais dont on s’attend qu’ils s’établissent dans les communautés agricoles dirigées par les Jésuites. et, à l’exception du Japon, les Jésuites ne confèreront jamais le titre de prêtre à leurs convertis, donnant ainsi la preuve tacite qu’ils ne les considèrent pas comme des êtres égaux3.
Les palissades ne suffisent cependant pas à se protéger des iroquois.
ravagée par la même épidémie qui a décimé les Hurons, la population iroquoise tombe de moitié au moins, perturbant la société, vidant les villages et menaçant l’avenir des Cinq-nations. Chez les iroquoiens, y compris les Hurons, c’est pratique courante que de se servir des prisonniers
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