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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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deux
contre. Les jurés n’étaient pas des intellectuels. Ils définissaient le code de
pensée selon lequel ils vivaient comme du « gros bon sens ». Ils
causèrent encore un peu de l’affaire, puis il y eut un nouveau vote. Et juste
avant sept heures, moins de deux heures après le début des délibérations, le
président du jury proclama à la Cour :
    « Le jury déclare les accusés, Mrs Ruth Brown Snyder
et Mr Henry Judd Gray, coupables de meurtre avec préméditation. »
    Ruth et Judd étaient debout mais, sous le choc, Ruth
s’effondra aussitôt sur sa chaise et se cacha le visage dans les mains, pliée
en deux, hurlant et tremblant de désarroi. Judd vacilla, les poings serrés,
mais demeura sur ses jambes et farfouilla dans la poche de son veston bleu
marine pour en extraire A Child’s Prayer Book (« Un livre de
prières pour enfants »), le manuel de l’école du dimanche de sa fille,
qu’il se mit à lire et réciter à voix basse en se balançant.
    La salle d’audience sombra dans le chaos lorsque les quinze
cents personnes de l’assistance tentèrent de s’approcher des deux condamnés
afin de les interpeller, de les invectiver, de solliciter leur opinion ou leur
sentiment, de les toucher rien que pour avoir un souvenir. Le juge Scudder fit
usage de son marteau et ordonna qu’on conduisît Ruth et Judd en prison, mais
une dizaine de minutes fut nécessaire avant que la police pût ménager un
passage assez large à travers la foule tapageuse déchaînée.
    Les quotidiens new-yorkais avaient préparé leur une en
prévision du verdict présumé de culpabilité et, quelques minutes à peine après
sept heures, les crieurs de journaux vendaient déjà des éditions spéciales dans
les rues.
    Ruth fit halte à la sortie du palais de justice pour
indiquer aux reporters qu’elle allait enjoindre à Wallace et Hazelton de faire
appel du jugement. À la vue de George Murphy, l’aumônier catholique de la
prison, affligé, elle se lamenta :
    « Oh, mon père, je pensais qu’on me croirait. »
     
    Bien qu’opposé à la peine capitale, le juge Scudder fut
contraint par la loi de l’État de New York à condamner Ruth Snyder et Judd Gray
à l’isolement cellulaire au pénitencier de Sing Sing jusqu’à leur exécution par
la chaise électrique. Si, à leur entrée en salle d’audience pour le prononcé de
la sentence, Judd et Ruth veillèrent à regarder devant eux pour éviter que
leurs yeux se croisent, alors qu’ils patientaient, Judd entendit Ruth glisser
en plaisantant à l’huissier : « C’est le pire vendredi 13 de ma
vie. » Et même Judd sourit.
    Ruth prenait le tout à la légère. La morosité du juge
Scudder, lorsqu’il prononça la peine de mort, la fit sourire et tandis qu’on
l’escortait hors de la salle d’audience, elle chatouilla l’une de ses
surveillantes pénitentiaires. « Ce n’est qu’une formalité, assura-t-elle
dans le New York Times. J’ai toujours autant de chances d’être libérée
qu’avant le début du procès. »
    Mais Judd resta droit comme un I en écoutant Scudder rendre
la même sentence à son encontre et quand ses avocats essayèrent de le consoler,
il justifia tranquillement la sévérité du châtiment en citant l’Épître aux
Romains de saint Paul : « Allons, vous n’êtes tout de même pas sans
savoir que “le salaire du péché, c’est la mort”, messieurs ? »
    Comme il regagnait à pied le 1, Court Square, il fit une
pause sur les marches de la prison afin que les photographes et les
journalistes pussent s’attrouper autour de lui, puis déclama le discours qu’il
avait rédigé :
    « Je suis l’un des meilleurs exemples du sort auquel
vous condamnent en définitive le whisky, la luxure et le péché. J’ai rencontré
ici, au cours de ma détention, tant de pitoyables illustrations des méfaits de
l’alcool ou de relations intimes indécentes qu’il me tient à cœur d’exhorter
mon prochain à reconnaître que la lumière divine est le seul véritable
salut. »
    Et, que ce fût par suite de quelque éveil religieux, à cause
de la gentillesse générale du père George Murphy ou parce qu’elle avait
astucieusement appris que le gouverneur Alfred E. Smith était de
confession catholique, Ruth, pour sa part, invita l’aumônier dans sa cellule
où, après lui avoir rappelé qu’elle était luthérienne non pratiquante, elle
l’informa de son intention de se convertir au

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