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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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catholicisme.
    Interrogé par des journalistes une fois la décision rendue
publique, le père Murphy se borna à commenter : « Je crois que Ruth
éprouve un intense et profond sentiment de repentir. »

 
Chapitre 9
ET DANS LA MORT, JE SOURIRAI
    La Grande Crue du Mississippi de mai 1927, la plus
importante catastrophe naturelle de l’histoire des États-Unis, affecta sept
cent cinquante mille personnes, mais comme le formula avec humour le comique
Will Rogers, alors qu’il s’efforçait de réunir des fonds pour les victimes,
l’inondation tombait mal, car l’affaire Snyder-Gray lui disputait les gros
titres.
    L’intérêt du public ne faiblit nullement après le prononcé
de la sentence, contrairement à la lucidité de Ruth, de plus en plus
fluctuante. Lorsqu’on l’escorta jusqu’à la Cadillac sept places qui devait la
conduire à Sing Sing, le lundi 16 mai, Ruth demanda à la surveillante
pénitentiaire à laquelle elle était menottée :
    « On pourrait s’arrêter en chemin ? Je connais un
relais routier épatant près de Sleepy Hollow et je commanderais bien du homard. »
    La surveillante fronça les sourcils.
    « Pour faire de la peine aux cuisiniers de la
prison ? Eux qui doivent être en train de préparer un festin. »
    Ce serait du porc et des haricots blancs.
    On casa Judd dans la longue Cadillac noire précédant celle
de Ruth, des adjoints du shérif, montèrent à sa suite et six motos mugissantes
pourvues de side-cars occupés par des policiers avec des fusils prirent
position à l’avant et sur les flancs pour la procession en direction du nord
jusqu’à Ossining. Mais cinq mille spectateurs, dont une majorité d’épouses et
de mères abominant Mrs Snyder, se massèrent presque aussitôt autour des
automobiles pour hurler des invectives et cogner sur les capots ou aux vitres
masquées par des rideaux, le temps que des cavaliers de la police avec des
matraques eussent effrayé, amoché ou renversé assez de gens pour assurer la
sortie du cortège. Onze voitures remplies de journalistes le prirent en
filature. Les Cadillac franchirent le Queensboro Bridge à soixante-cinq
kilomètres-heure, mais furent ralenties sur la rive de Manhattan par les foules
énormes qui guettaient les meurtriers pour les conspuer ou simplement les
entrevoir. Se frayant un passage au ralenti au milieu de cette cohue qu’une
centaine d’agents de la circulation n’avaient pu canaliser, la caravane finit
par traverser Central Park et emprunta Riverside Drive pour rejoindre la Henry
Hudson Parkway.
    Judd fuma un paquet de cigarettes entier au cours du trajet
d’une heure vingt jusqu’à Sing Sing et il fut soulagé de savoir qu’il pourrait
en racheter au magasin de la prison – il avait toujours l’argent volé dans
le portefeuille d’Albert. Des curieux et des reporters montaient la garde
devant la porte sud du pénitencier, mais on fit signe aux Cadillac d’entrer
directement et, pour la première fois depuis presque deux mois, Judd se sentit
libéré de la multitude. Il y eut bien quelques détenus pour courir à la hauteur
de la voiture afin de jeter un coup d’œil à l’intérieur, mais davantage encore
se promenaient simplement au soleil ou jouaient au baseball. L’inspecteur
auquel était menotté Judd lâcha :
    « Avec un peu de chance, ils te prendront dans
l’équipe.
    — À vrai dire, j’étais plutôt bon au lycée »,
répliqua Judd.
    Mais en réalité, il ne serait jamais question pour lui de se
mêler aux autres prisonniers.
    Les cellules des condamnés à mort se situaient dans un
bâtiment que les autres détenus surnommaient l’abattoir. Vieux d’à peine cinq
ans, il disposait de sa propre cuisine, de cours d’exercice distinctes et
comportait deux ailes de douze cellules chacune pour les hommes, une troisième
de trois cellules pour les femmes, plus une infirmerie et six cellules dans le
quartier des prisonniers en instance d’exécution, qu’on appelait le
dancing – les autopsies se déroulant dans la glacière.
    Judd entraperçut fugitivement Ruth lorsqu’elle fut
accueillie en tant que seule détenue féminine de Sing Sing, et ce fut tout. Ils
ne se revirent plus jamais.
    Ruth se dépouilla de tout ce qu’elle possédait, y compris
ses alliances et ses chewing-gums aux fruits Wrigley’s, on la surveilla tandis
qu’elle se déshabillait et se douchait, puis le Dr Charles Sweet la pesa,
la mesura et l’examina pour certifier qu’elle

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