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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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sorte d'attente mystique.
     
    La lumière tombant des formerets, qui se plantait en rayons obliques mauves et roses dans les dalles patinées, semblait faire de ce lieu un purificatoire.
     
    Soudain Jean-Louis interrompit sa marche. La Sala dos Tumelos lui apparut avec les mausolées d'Inés et de Pedro.
     
    Inés d'éternité docilement gisante
     
    Attentive espérance au suprême réveil...
     
     
    Les vers revenaient à la mémoire de Jean-Louis tandis qu'il s'approchait des tombeaux, près desquels une extase avait été donnée à l'homme qu'il avait cru le moins susceptible d'en accepter.
     
    Mélange sculptural de passion exubérante, de fine sensibilité, les deux mausolées, témoignages de la foi et de l'amour, avaient des teintes d'ivoire. Taillés dans la pierre d'un grain très fin, ils prenaient, sous la lumière passée au filtre doux des vitres de couleur, un aspect d'attente.
     
    Jean-Louis s'approcha de celui d'Inés. Il imaginait facilement Dom Pedro après le triomphal et macabre voyage de Coimbra à Alcobaça, assistant au travail du sculpteur, exigeant que cette morte bien-aimée connaisse une suprême renaissance dans la pierre.
     
    Le moment espéré était maintenant venu pour lui de découvrir le symbole qui avait conduit son père à s'oublier assez pour ressusciter l'émotion révélée par la pierre.
     
    Il lui vint soudain l'envie de toucher cette pierre lisse, de joindre à la vision une sensation plus matérielle. A l'usine, il aurait passé ses doigts sur la pièce d'acier poli sortant d'une rectifieuse. Le contact lui laissait une impression durable. Il y avait une sorte de connivence entre la peau de l'index allant en reconnaissance et le cerveau.
     
    Il étendait la main quand quelqu'un lui toucha le bras. Il sursauta comme un dormeur qu'on éveille, et la seconde qu'il mit à tourner la tête le fit passer de la surprise à la colère.
     
    La jeune femme, qui venait le distraire de sa contemplation, dut comprendre qu'elle tirait de sa rêverie un touriste pas ordinaire.
     
    Elle s'excusa en anglais, avec un étrange accent. Dans sa voix haut timbrée il y avait comme un bruit de clochette qui acheva de rompre le charme.
     
    - Que voulez-vous ? demanda Jean-Louis en français.
     
    - Je vous demande pardon, répondit-elle dans la même langue, en désignant le Leica à l'objectif compliqué qu'elle brandissait comme une arme. Il y a trois jours que j'attends cette heure et cette lumière pour faire quelques photos.
     
    Sans répondre Jean-Louis recula de deux pas.
     
    - Un peu plus s'il vous plaît, exigea-t-elle, avec un sourire de politesse. Votre silhouette entre dans le jeu des ombres.
     
    Jean-Louis baissa les yeux sur les dalles sèches. Dans la tache ogivale que faisaient des rayons décomposés descendant d'un formeret, une tache grise s'allongeait. Il s'en fut, à pas vifs, vers le tombeau de Pedro I er , sans un mot.
     
    Il s'absorba dans le déchiffrage d'une inscription à demi effacée...
     
    «Ate... a fin do mundo », crut-il lire. C'était l'adieu d'amour du roi à son amante assassinée. Tandis qu'il marchait autour du mausolée, incapable de retrouver la fervente recherche interrompue, miss Margaret Greenworth prenait cliché sur cliché.
     
    Le déclic du Leica claquait sous la nef. Grande, un peu sèche, la jeune femme avait déposé à l'angle du transept un sac plein d'appareils et les poches de sa veste de daim débordaient d'accessoires.
     
    Absorbée par la mise au point, tour à tour penchée, ou tendue de toute sa taille, elle ne se préoccupait nullement de la présence de l'homme qu'elle avait dérangé.
     
    Jean-Louis l'observa. Elle livrait un combat contre la lumière. L'instant idéal du déclic devenait une conjonction de sa vision et d'un rayon de soleil frappant sous un angle déterminé un certain relief Jean-Louis se sentit devenir indulgent pour cette femme.
     
    Déjà la lassitude l'avait envahi. Il était venu à Alcobaça avec la foi en une révélation désirée. L'exaltation tombée, il se retrouvait désorienté comme un touriste déçu. Le poème ne traduisait-il qu'une admiration pour le génial sculpteur inconnu prêtant son ciseau à la passion d'un roi désespéré, façonnant une légende enivrante, fixant aux yeux du monde le réflexe de l'amour idéal ?
     
    Avant de s'éloigner, tandis que la jeune femme rechargeait son appareil d'un nouveau film, il revint dans l'axe du choeur pour revoir les deux

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