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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Veuve Malterre trouvait son fils bien changé. Il parlait davantage et avec une aisance, une sorte de gaieté qu'elle ne lui connaissait pas, mais il n'avait rien perdu de sa netteté.
     
    - D'ailleurs, ajouta Jean-Louis poursuivant son propos et poussant une botte décisive, M e Settier sera d'autant plus consciencieux que les intérêts de la famille seront bientôt les siens, car vous finirez bien par vous marier un jour...
     
    Camille rougit comme une collégienne qui vient de s'apercevoir que son flirt est éventé. Elle tira de la manche de son tailleur un petit mouchoir parme, parut en mesurer l'ourlet attentivement et murmura :
     
    - M e Settier fera sa demande, quand tu le jugeras convenable.
     
    - Je te souhaite beaucoup de bonheur, dit Jean-Louis, qui ressentait une pitoyable tendresse pour cette femme dont la jeunesse venait d'éclore à cinquante ans.
     
    Camille se mit à pleurer doucement, le nez dans sa pochette. Jean-Louis vint l'embrasser, comme s'il croyait que ces larmes montaient d'un souvenir de chagrin et non de la douce émotion que répandaient en elle son acceptation et ses vœux.
     
    - Il est très bon, dit-elle, et nos deux solitudes...
     
    Mais son fils ne la laissa pas poursuivre. Il savait, lui, comment on pouvait être dupe de son propre rôle et celui de sa mère en veuve inconsolable ne lui plaisait pas. Agnès, au soir de son arrivée, avait su parfaitement définir la liaison de leur mère avec le notaire : du sucre d'orge et un grand lit...
     
    Déjà Camille s'était levée, prête à courir au téléphone pour appeler Georges qui, depuis la veille, enfermé chez lui, attendait le résultat d'une conversation qui ne pouvait être éludée.
     
    - Ce n'est pas tout, dit Jean-Louis. J'ai maintenant une grâce à te demander.
     
    Camille rejoignit son fauteuil, inquiète, en prenant soin toutefois de ne pas froisser sa jupe.
     
    – Je voudrais que tu m'autorises à faire transférer le corps de mon père à Sienne.
     
    Ce n'était que cela. Camille fut rassurée, mais elle crut naturel de demander pourquoi.
     
    – Je vivrai là-bas, dit Jean-Louis, et je voudrais qu'il soit près de moi.
     
    Il avait pensé un moment à dire toute la vérité, mais il se doutait que sa mère se satisferait de moins et, d'autre part, il lui répugnait de livrer ce secret, dont il se trouvait seul dépositaire.
     
    Camille sentit monter de nouvelles larmes à la pensée qu'elle pourrait donc être enterrée avec Georges Settier, son second mari.
     
    - Je comprends que ce soit difficile, dit Jean-Louis, comme s'il croyait voir en ces pleurs un signe d'ultime arrachement.
     
    Et au milieu de cet attendrissement à double sens, après un silence convenable, Camille accepta.
     
    - Tu peux.
     
    Puis elle ajouta doucement par une sorte de franchise intuitive ou de puérile générosité :
     
    - C'était toi qui savais le mieux l'aimer.
     
    Ce fut Camille, cette fois, qui se leva pour venir embrasser son fils. Elle était émouvante avec ses joues tachées de Rimmel et sa lèvre inférieure tremblante. Quand elle quitta le salon, Jean-Louis, très sincèrement, souhaitait qu'elle soit désormais heureuse dans un bonheur à sa taille.
     
    Tout s'était passé simplement. Agnès devait rapporter le soir même l'acceptation de Michel Vérimont pour le poste de directeur-gérant des usines Malterre. Jean-Louis traversa le salon où flottait un soleil fade, lointain cousin dégénéré du soleil toscan.
     
    Il regarda sa montre et imagina le Campo à trois heures de l'après-midi, les pigeons tournoyant, guettant les lanceurs de graines, et l'ombre de la tour Mangia reliant, comme un fluide tapis, le palais Vecchio à la fontaine Gaia. Il pensa au vieux Carlo déchiffrant un traité d'héraldisme, à son frère Giulio penché sur ses monstres végétaux dans les serres chaudes de Fiesole, puis à Anne marchant dans les ruelles, ses livres sous le bras. Une déesse dans la jupe d'une écolière. Il imaginait aussi le cimetière et ses veilleuses invisibles dans le soleil, mais présentes et obstinées. Elles montraient à qui s'en approchait que la grande clarté du monde vivant demeurait vaine sur ces tombes où se balançaient les minuscules lampions de la grande fête des morts.
     
    Le lendemain, Jean-Louis, après avoir posé dans la chambre de son père, sur la vieille table qui servait de bureau à Louis Malterre, l'ange guerrier offert par Giulio Batesti, entreprit les démarches

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