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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d'urne, que d'augmenter le trésor du musée.
     
    Dans la Fiat d'occasion achetée à Sienne, Jean-Louis et Anne arrivèrent chez Bartoli à l'heure du déjeuner. On se mit vite d'accord sur les modalités du séjour du Français. Pietro Bartoli n'était pas mécontent de voir s'installer chez lui un homme jeune qui serait à la fois un élève sans idées préconçues et un robuste fouilleur. Il remplit les verres de vin rosé et les invita à s'asseoir.
     
    - On affirme, dit le vieux Bartoli dont le visage mince et sec contrastait avec ses mains vigoureuses et crevassées par les fouilles, que je suis l'homme qui en sait le plus sur les Étrusques. En fait, je ne sais pas grand-chose. J'ai écrit quelques livres, j'en ai lu beaucoup mais un peuple qui ne nous a légué que des cimetières est difficile à connaître. Il faut encore chercher et ne pas laisser l'imagination fabriquer l'histoire. Je serai heureux de vous avoir à mon côté.
     
    –Je suis totalement ignorant, dit Jean-Louis, et mes bras vous serviront plus que mon esprit.
     
    - Si vous avez la foi et si vous acceptez de remuer dix mètres cubes de terre dans l'espérance d'une trouvaille qui ne sera peut-être qu'un débris d'assiette, vous pouvez rester sans crainte, vous ne serez pas déçu.
     
    En cet instant, Jean-Louis aurait voulu expliquer qu'il n'était plus accessible aux déceptions, qu'il espérait trouver dans le tuf de Chiusi autre chose que des vestiges d'Étrurie. Mais il se tut et laissa le vieux Bartoli bavarder en italien avec Anne. Par-delà une fenêtre ouverte, sur une véranda aux colonnettes de bois brut prises aux lassos multiples des pois de senteur, étreintes par la vigne vierge, l'océan figé des collines gonflait ses vagues molles et rondes. À l'horizon, les dernières vapeurs lumineuses du couchant diluaient les tons bleus et verts de la terre et du ciel en une large bande indécise. Jean-Louis se prit à penser que ces lumières lui seraient bientôt familières, qu'il connaîtrait leur mouvante intensité, que les saisons viendraient qui les déplaceraient ou les voileraient, qu'il compterait les moments, non pas en heures ou en jours, mais en nuances et en ombres.
     
    Jamais il ne s'était senti aussi complètement disponible et, en même temps, aussi sûrement installé dans le temps. La fraîcheur du chianti, le reflet de cuivre éclatant dans les cheveux d'Anne, le craquement d'une allumette du vieux Bartoli rallumant sa pipe, l'œil humide de curiosité ou de méfiance du chien de la maison, tout paraissait d'une définitive sérénité.
     
    Les gens et les choses lui offraient sans façon le partage de cette paix et lui, qui cherchait encore des bases au sentiment de sa propre réalité, s'y insinuait. Peut-être était-il né pour ce lieu, dont il aurait aussi bien pu ne jamais soupçonner l'existence.
     
    - On va vous montrer vos appartements, dit Anne en se levant.
     
    Derrière le vieux Bartoli, ils traversèrent le jardin, et marchèrent jusqu'à une petite maison à un étage.
     
    - Vous logerez au-dessus de l'atelier, dit le professeur. C'est ici dans cette ancienne écurie que je passe mes jours d'hiver à reconstituer les pièces brisées, à coller, à ajuster.
     
    Un petit escalier de bois plaqué à la façade permettait d'accéder, par un balcon aux planches disjointes, à une grande pièce. Le professeur Bartoli ouvrit les volets et Jean-Louis aperçut un vaste lit très haut, une grande table de bois, un fauteuil et quelques chaises. Le crépissage à la chaux des murs disparaissait du plancher aux poutres, derrière des milliers de livres.
     
    - Vous aurez de quoi lire, dit M. Bartoli. Quand vous saurez tout ça, ajouta-t-il en désignant les rayons d'un geste nonchalant, la confusion sera telle dans votre esprit que vous ne croirez plus qu'aux vertus enseignantes de la pelle et de la pioche.
     
    Jean-Louis apprit que le ménage serait fait tous les jours pendant l'heure du déjeuner par Maria, la fille des fermiers voisins.
     
    - C'est un peu monastique, dit Anne en souriant, vous y plairez-vous ?
     
    –Je m'y plais déjà beaucoup, mais j'ai l'impression qu'il faudra que tout ici m'accepte, je crains que mes façons d'étranger et mes habitudes d'avilissement au paresseux confort ne soient mal vues par les livres et les meubles.
     
    Le professeur rit, d'un rire énorme, comme si Jean-Louis avait lancé une plaisanterie.
     
    - Vous verrez, ici, on en revient très vite à

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