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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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nécessaires pour obtenir le transfert du corps de son père du caveau de famille à celui où reposait Anna, de l'autre côté des Alpes.
     
    Ce fut long et difficile. Il dut faire intervenir des relations parisiennes et payer des droits élevés. La République ne lâchait pas sans en tirer profit la dépouille de l'un de ses citoyens. Jean-Louis eut un entretien à ce sujet avec Georges Settier qui, comme sa mère, crut indispensable de l'assurer qu'en épousant Camille Malterre, il ne ferait « qu'unir sa solitude à une autre » « ... et régulariser une liaison », répondit ironiquement Jean-Louis, qui ajouta pour tempérer cette brutalité, que sa mère paraissait plus heureuse et plus jolie que jamais.
     
    Le notaire s'inclina et fit diligence pour activer le transfert qui allait débarrasser sa maîtresse du mince souvenir de son premier mari.
     
    Michel Vérimont avait naturellement accepté la direction de l'usine. Avant que Jean-Louis ne ferme son bureau, il avait même tenu à lui soumettre un plan d'expansion qui ressemblait au cours d'un théoricien de Polytechnique. Le fils de Louis Malterre en prit connaissance en pensant à autre chose et fit simplement remarquer que la réalité refusait parfois d'entrer dans les moules qu'on lui avait scientifiquement préparés. Vérimont fils, avec l'assurance que confèrent les diplômes et les majorats, manifesta un étonnement amusé. Il estima qu'il était temps que son futur beau-frère se consacre à l'étruscologie.
     
    Sa dernière soirée aux Cèdres, Jean-Louis la passa en famille. Un dîner réunissait Agnès et son fiancé, M e Settier et sa mère. En face de ces couples dont les préoccupations étaient si différentes des siennes, il se sentait étrangement seul. L'avenir de l'usine, les placements financiers ne parvenaient plus à l'intéresser. Peut-être était-il déjà trop loin de ce monde, de sa jeunesse, pour suivre ses interlocuteurs.
     
    Agnès, ambitieuse et déjà intérieurement desséchée, ferait une épouse digne, une mère sévère. Elle serait la bourgeoise sans générosité devant la vie. Maintenant, au côté de son fiancé, un homme mince au teint définitivement blafard – la patine des études et la moiteur des examens préparés et réussis -, elle offrait le contraste d'une beauté bien nourrie. Jean-Louis se demanda si le jeune Vérimont avait eu connaissance des aspirations populo-syndicalistes de sa fiancée... Il aurait été bon qu'il le sache, pensa-t-il, car cela eût été une garantie qu'elle n'y céderait plus jamais et qu'elle afficherait l'indifférence convenable envers les gens de l'usine et une intransigeance pleine de rancune à l'égard de ses domestiques.
     
    À l'autre bout de la table, les amoureux quinquagénaires se souriaient en se passant les plats. Jean-Louis était sûr que leurs pieds se cherchaient sous la table. Il voyait palpiter les seins de sa mère dans son décolleté, toutes les fois que Georges Settier parlait. Il y avait quelque chose de sexuel dans leurs gestes et leurs regards, dans leur façon de manger même, en se jetant des coups d'oeil où perçait l'acuité d'un désir permanent, quand ils pensaient qu'on ne les voyait pas. « Eux, au moins, pensa Jean-Louis, ils le tiennent leur bonheur. Ils vont l'égrener en chapelets de mots ardents jusqu'au jour où ils se le diront en litanies intimes de souvenirs exténués. » Et il se demanda un moment si sa mère pouvait encore faire des enfants.
     
    S'il leur avait demandé brutalement aux uns et aux autres : « Qui êtes-vous et que faites-vous là, dans ce monde ? », ils auraient été étonnés et auraient fourni des réponses toutes prêtes, d'une sage banalité. Les religions et les philosophies sont là, et l'orgueil aussi, pour fabriquer des défenses contre les inquisitions de l'esprit.
     
    Finalement il avait hâte de partir, de poursuivre la quête de lui-même à travers cette passion qu'il s'était découverte à Chiusi. L'impatience de Lancelot était en lui. Les liens, ici, se rompaient un à un. Sa maison était en ordre, il pouvait entrer dans la vie, comme on entre en religion avec une soif de foi inextinguible et la précieuse assurance en ses promesses non divulguées.
     
    Le lendemain, dans ses valises, il mit très peu de choses et fit une caisse de livres qu'il avait commandés à Paris et à Londres sur les Etrusques. Les ouvrages de Dennis, d'Ernout, de Grenier, de Bloch complétaient tout ce

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