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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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qu'il pourrait trouver en Italie sur ce sujet. Puis il fit ses adieux. Agnès marqua quelque étonnement quand il annonça qu'il ne serait pas là pour son mariage fixé au début de l'année suivante.
     
    - Tu pars pour longtemps, si je comprends bien.
     
    - Peut-être pour longtemps... Pour plus longtemps peut-être que je ne crois.
     
    Elle eut un accès de tendresse fraternelle :
     
    - Tu es malheureux depuis la mort de Père.
     
    – J'ai été très malheureux, dit-il, mais maintenant je sais que ces mots de bonheur et de malheur ne signifient rien et qu'il y a par-delà d'autres limites à atteindre.
     
    Agnès eut un sourire.
     
    - Si je me souviens du collège, la philosophie t'ennuyait prodigieusement et maintenant tu sembles avoir des préoccupations de philosophe.
     
    - Rien n'est changé, je t'assure, mais la preuve m'a été donnée – peut-on parler de preuve ? – que l'éthique et la métaphysique restent chaque fois à redécouvrir pour chaque être et que, pour savoir, il fallait tout oublier. Je suis resté trop longtemps un enfant. Dans ma vie d'homme mûr, des vides demeuraient artificiellement comblés par toutes mes fausses acceptations. Maintenant, je sais que la seule découverte valable est de savoir comment on se rattache à l'éternité. Car, dit-il enfin, la mort ne gagne que si elle saisit un vaincu et celui qui sait y voir la grâce inéluctable d'une naissance peut l'attendre comme une révélation.
     
    - Le paradis ou l'enfer, le néant ou la réincarnation, répondit Agnès, nous avons encore d'autres choix.
     
    - C'est là qu'est l'erreur, nous n'avons pas de choix à faire pour le lendemain de la mort. On ne nous demande que de choisir la vie jusqu'au bout.
     
    – Tu ne penses pas entrer dans les ordres, dit Agnès, cherchant toujours une explication à ce qu'elle croyait être un mysticisme soudain.
     
    - Pas un seul instant.
     
    – Alors, tu vas peut-être retrouver quelqu'un qui t'intéresse.
     
    Elle n'osait dire « de qui tu es amoureux ».
     
    - Oui, je vais essayer de retrouver quelqu'un qui m'intéresse, qui m'intéresse beaucoup et que j'ai enfin rencontré : moi.
     
    Il y eut un silence, puis Agnès se leva pour regagner sa chambre. Ils se souhaitèrent le bonsoir.
     
    Du haut de l'escalier, elle se pencha sur la rampe et regarda un moment cet homme assis dans le salon. « On a toujours tort de se poser autant de questions », pensa-t-elle. Et comme elle avait elle-même fait un retour rapide dans l'harmonie préétablie de la famille, après son incursion dans ce qu'elle avait cru être la vie, elle se dit que son frère aussi reviendrait aux Cèdres. La boiserie eut un craquement et Jean-Louis leva la tête. Il vit sa sœur qui, penchée, l'observait. Il lui fit un signe de la main.
     
    Elle s'en fut jusqu'à sa chambre avec la sensation qu'il y avait un étranger dans la maison.
     

2.
     
    Au printemps finissant, la campagne de Chiusi avait les couleurs d'un tableau du Tintoret. Comme une cristallisation anarchique au flanc rocheux d'une haute colline, les maisons de la vieille cité construite dans le tuf retrouvaient des reliefs patinés. Çà et là, des lessives familiales mettaient aux façades agglomérées des taches éblouissantes et l'on pouvait imaginer sur les remparts de rudes guerriers aux yeux perçants, surveillant le panorama de la vallée de Chiana par où arrivèrent les envahisseurs romains.
     
    Mais, sur les terrasses fissurées, il n'y avait que de vieux paysans ignorants des dangers ancestraux. Ils tournaient au paysage leur dos arrondi par les travaux des champs. Leurs fils et leurs filles dans des boutiques pimpantes et bariolées attendaient les touristes, car Chiusi l'étrusque vivait de ses tombes.
     
    La villa de Pietro Bartoli, le vieux professeur d'archéologie qui n'avait commencé à goûter la vie réellement qu'à l'âge de la retraite, était à un quart d'heure de la place du Marché. Il avait enrichi le musée local du produit de ses fouilles et le plus clair de ses revenus passait à payer des cultivateurs dont il faisait des archéologues amateurs sceptiques, mais intéressés.
     
    Quand une équipe avait mis la main sur quelque pièce, Pietro Bartoli renvoyait tout le monde, prenait lui-même la pelle et la pioche, car les paysans étaient plus soucieux de vendre à un bon prix à un Américain de passage ou à l'antiquaire qui venait deux fois l'an de Lugano un débris de vase ou un couvercle

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