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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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un départ imminent secoua l'air de vibrations cuivrées, comme si la nuit était là tout exprès pour que tout soit dissimulé de leur angoisse l'une par l'autre reflétée, leurs lèvres se joignirent.
     
    Anne monta sur le marchepied, ses jambes tremblaient.
     
    - Votre fiancé possible, dit Jean-Louis, qui se voyait contraint si brièvement de résumer, avec l'étonnement de ce baiser, l'impossible promesse de l'amour.
     
    Anne lui serra plus fort les mains, pencha son visage vers le sien. Il vit sa lèvre inférieure tremblante, comme si la jeune fille allait éclater en sanglots.
     
    - Il vient seulement de naître, dit-elle... J'attendrai.
     
    Après le dîner qu'il prit en face du vieux Bartoli, Jean-Louis regagna sa chambre, car le professeur qui se levait chaque matin avec le soleil avait l'habitude de se coucher tôt.
     
    Seul dans la maison du bout du jardin, le jeune homme défit ses valises. Tous ses déplacements à travers la chambre s'accompagnaient des craquements du plancher. Tandis qu'il disposait son linge dans les tiroirs d'une commode, pour la centième fois de la soirée sa pensée revint vers Anne qui maintenant devait être arrivée à Sienne. Le baiser échangé involontairement, cette subtile tendresse l'avaient troublé mais quelque chose lui disait que ce n'était qu'une vague promesse et que tout un chemin lui restait à parcourir pour rejoindre la réalité.
     
    Sur la table de bois poli, il avait posé le petit guerrier romain de l'oncle Giulio, qui, plus que jamais, semblait lancé dans une course de messager, comme si nul lieu humain ne pouvait abriter le destinataire qu'il cherchait depuis plus de mille ans. Était-ce un symbole de sa propre course vers la certitude de la vie ou celui d'une fuite ? Trop de questions demeuraient encore sans réponse. Cependant tout ce qui pouvait dépendre de sa volonté propre pour se libérer, il l'avait accompli. Deux jours plus tôt, à Sienne, il avait vu le cercueil de son père descendre à côté de celui d'Anna Batesti, dans le petit cimetière, et une lampe supplémentaire avait été allumée. Carlo et sa fille avaient assisté à la cérémonie, bien différente de celle qui avait marqué autrefois, en France, l'enterrement de l'industriel Louis Malterre.
     
    Ni fleurs, ni couronnes, ni larmes. Plus qu'une mise en terre, c'était un retour d'exil : l'acte symbolique et matériel des vivants rectifiant les positions de la mort. Seule comptait la signification, et comme dans les légendes, le merveilleux n'était plus transmissible. C'était autant pour sa quiétude égoïste que Jean-Louis avait fait porter à Sienne le corps de son père que pour accomplir une volonté supposée de celui-ci.
     
    Au moment où la dalle de marbre avait été remise en place, Anne avait parlé. « Il est maintenant certain pour nous qu'ils sont côte à côte, mais ils l'étaient de toute éternité. » Jean-Louis s'était souvenu des tombeaux d'Alcobaça. « Au jour du Jugement, avait-il dit, ils n'auront pas à se chercher. Nous avons effacé les traces de la séparation. »
     
    Et le prêtre face à la tombe refermée avait récité la prière des morts.
     
    Ce soir, dans cette maison qui allait être son univers studieux, Jean-Louis ressentait à nouveau plus intensément cette sensation de parfaite disponibilité, qui avait été son but ces derniers mois. De son père, il savait tout et le temps lui paraissait lointain où sa seule ambition était de l'imiter en toutes choses. Il venait de franchir en s'installant ici, maintenant que Louis Malterre avait retrouvé sa place à côté d'Anna Batesti, l'étape libératrice. Désormais, l'oubli lui devenait possible en même temps que la sincérité vis-à-vis de lui-même se révélait indispensable.
     
    Peut-être était-il comme un moine qu'on vient de relever de ses vœux, ou comme un mineur que la retraite ramène des profondeurs de la terre au monde lumineux de la surface. Il allait devoir s'engager conformément à ses goûts, à ses désirs propres dans un réel, non défini par l'exemple. C'était, à la fois, la griserie d'une liberté utilisable à tout instant et le vertige de la solitude. Son travail patient d'archéologue néophyte l'aiderait à limiter la première, à combler la seconde.
     
    Jusqu'au jour où il cesserait de s'observer de l'intérieur, où tout deviendrait spontanéité et confiance, il lui appartenait de se protéger de l'angoisse.
     
    Les Cèdres, avec

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