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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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rayonnement des pierres sanctifiées.
     
    C'était maintenant au-delà de l'amour et des extases sensuelles accessibles aux humains qu'il devait atteindre à son tour, ne fût-ce qu'un instant. Hors des sentiments et des sensations, l'assurance formelle d'être une cellule motrice de l'univers lui parvenait par de mystérieuses ondes.
     
    Enfin, le tombeau céda comme une huître perlière. Il s'ouvrit exhalant le souffle d'un monde englouti, une haleine sèche, une putridité douceâtre. Le seuil d'un univers obscur était ouvert sur une atmosphère de cauchemar. Jean-Louis leva d'un bras tremblant sa lampe dont le faisceau, par l'entrebâillement du sépulcre fermé depuis plus de deux mille ans, se heurta aux ténèbres densifiées par le temps.
     
    D'une poussée de l'épaule il fit pivoter la porte de pierre, il avança un pied, devina la première marche d'un escalier. La descente lui parut interminable. À l'air raréfié se mêlaient d'étranges odeurs, des effluves enivrants ou empoisonnés, l'ombre semblait avoir une épaisseur, un poids.
     
    L'angoisse humaine lui serra les tempes, mais le vertige physique ne pouvait plus attenter à la lucidité de la pensée. Il aurait pu se retourner, fuir, retrouver là-haut la nuit fraîche et familière, mais déjà il était comme envoûté. La lointaine exigence de la révélation l'attirait comme l'être au seuil de la naissance consciente. Quand il eut atteint le sol de ce qu'il savait être la première salle de la tombe, il s'arrêta pour entendre comme un gong son cœur annoncer sa présence en ce palais de nuit et de silence.
     
    Là peut-être se trouveraient des trésors, des pièces précieuses pour l'archéologie, des explications inédites, de nouvelles clés de la connaissance, tout serait ramené à la réalité pesante des objets. Cette sorte de banalité le décevrait mais suffirait à combler de joie le vieux Bartoli. Lui, Jean-Louis Malterre, savait déjà qu'il aurait plus, et quand la lueur de la lampe éclaira à moins d'un mètre une forme droite encapuchonnée de ouate grise, il comprit que le message à lui destiné, venait de lui parvenir.
     
    Doucement ses doigts firent glisser l'impalpable poussière, légère comme une enveloppe consumée, un éblouissant rayon d'or renvoya comme une vibration la clarté de la lampe. Une statuette émergea comme une apparition crevant une gangue de nuage. Radieuse, éblouissante de beauté, la tête surmontée d'un cône ciselé, Turan, la Première déesse, souriait comme s'il était exact, lui l'humain, à un rendez-vous fixé de toute éternité.
     
    Jean-Louis eut un long frisson, des larmes jaillirent de ses yeux, un instant la conscience de son corps lui échappa. Tout demeura suspendu à la seule réalité de l'esprit. D'autres regards multiples lui étaient accordés, un sens nouveau lui permettait de tout saisir de cette rencontre immatérielle, l'échange s'opérait comme le dialogue de deux lumières. L'âme refusée lui parvenait enfin. Turan, de sa main droite relevée, paume en avant comme un miroir à hauteur de l'épaule, semblait la projeter dans une sorte de bénédiction.
     
    La peur, l'angoisse l'avaient abandonné. Une forme de joie incommunicable avait envahi Jean-Louis ; d'un seul geste il arracha une manche de sa chemise et, sans la déplacer, nettoya la statuette.
     
    Dans une robe fourreau qui moulait des formes parfaites et lisses et qu'elle tenait serrée sur le cœur de la main gauche, la déesse au buste à demi dénudé était l'exquise créature dont avait toujours rêvé le professeur Bartoli. L'artiste lui avait donné le visage de la beauté faite femme, tel que tous les temps percevaient la perfection.
     
    Quand la lampe commença à grésiller, avant de s'éteindre, Jean-Louis eut un dernier regard pour Turan et un nouvel éblouissement. La déesse d'or avait le sourire d'Anne. Aussi soudain que l'obscurité, le vertige triompha de lui. Son corps ne fit pas le moindre bruit en tombant sur le sol. Il souleva des flocons de poussière ou de cendres qui retombèrent, comme si la lente usure du temps contre l'éternité n'avait d'autre symbole offert à l'exigence matérielle, à un moment de vie.
     
    Bien plus tard, quand les syllabes de son nom, répétées dans le lointain sonore, lui cognèrent dans la tête et qu'il ouvrit les yeux, il aperçut un rectangle de soleil face à lui au sommet d'un escalier trop raide. De cette lumière, tombait son nom comme

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