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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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la masse de la pierre étaient rompus.
     
    Cependant, une intuition sereine le guidait. Il devait forcer ces portes, obtenir au prix d'un effort surhumain la découverte à lui seul réservée. Les histoires des trésors cachés de ses lectures d'enfant lui revenaient à l'esprit. Il se sentait doué d'une force et d'une volonté insoupçonnées jusque-là. Travaillant vite, tantôt à petits gestes vifs et précis, tantôt en utilisant toute la puissance de ses muscles, il parvint à faire jouer de quelques centimètres l'un des battants.
     
    La nuit était tombée. Le vieux Bartoli avait dû s'impatienter, puis s'étonner de ne pas le voir. Certain que Silvio jusque-là satisfait des « niente » qu'il lui lançait chaque soir en passant devant sa ferme ne viendrait pas jusque-là, il abandonna ses outils et descendit à grands pas vers le village.
     
    - Que vous est-il arrivé ? dit le vieux Bartoli qui laissa tomber son livre, en remarquant l'agitation de son disciple.
     
    – J'ai trouvé une tombe... étonnante... sur le terrain de Silvio.
     
    Le malade eut un sursaut qui amena sur son visage une grimace de douleur. Il rattrapa sa pipe éteinte qui roulait sur la couverture.
     
    - Sur le plan, montrez-moi où.
     
    Puis il eut la réaction que redoutait Jean-Louis, pendant qu'il cherchait sa carte dans le fouillis de la commode.
     
    - Vous auriez pu me le dire, ce n'est pas d'hier, j'imagine.
     
    - Je voulais être sûr que c'était autre chose qu'un vieux puits. Il reste à ouvrir la porte.
     
    Quand le professeur eut demandé des détails et situé la tombe sur le plan, son enthousiasme lui fit oublier toute rancune.
     
    - C'est la tombe-miracle, dit-il, la centrale, c'est ça... Je vais vous expliquer comment il faut l'ouvrir...
     
    –... pas sans vous, s'écria Jean-Louis, pris de remords et ému par la générosité du vieux professeur.
     
    - Comment ! pas sans moi ! Mais bien sûr que si. Dès demain ; je ne suis qu'un vieil homme, il ne s'agit pas d'inaugurer un monument mais d'arracher de nouveaux secrets au peuple défunt. Vous saurez très bien, vous saurez mieux que quiconque, parce que, si j'ai bien compris, depuis que vous êtes ici, vous cherchez bien autre chose que de vieilles pierres.
     
    Longuement, les deux hommes bavardèrent et, nanti des recommandations du professeur, Jean-Louis le quitta vers minuit. Une demi-lune d'une exceptionnelle intensité mettait des reliefs fantomatiques sur la campagne. Jean-Louis décrocha les deux lampes-tempête qui servaient à éclairer l'atelier sans électricité et gravit à nouveau la colline.
     
    La fatigue s'était dissoute, ne lui laissant qu'un léger vertige. Celui que ressentirent les mages et les bergers suivant l'étoile dans le ciel de Bethléem.
     
    « C'est étrange, pensait Jean-Louis, en travaillant, le front en sueur, au fond de la fosse, pour gagner centimètre par centimètre sur la force inerte qui s'opposait à la sienne, étonnant comme ma destinée semble liée à des tombes. Celles légendaires d'Alcobaça, celle d'Anna à Sienne, celles étrangères des Étrusques. »
     
    Tandis qu'il peinait, s'efforçant de suivre les conseils du professeur, dans une sorte d'exaltation fébrile qu'il ne pouvait dominer, tout paraissait s'ordonner dans son esprit. À Alcobaça, il ne savait même pas voir et la femme au Leica lui avait appris. Sa pensée revint à Margaret Greenworth. Où était-elle cette nuit ? En quel lieu du monde poursuivait-elle sa lutte contre les fantômes ? La paix lui avait-elle été donnée par une certitude à elle seule destinée ? Devrait-il comme il l'avait promis lui révéler son propre aboutissement qu'il sentait proche ?
     
    Ce ne serait pas nécessaire. Ils étaient redevenus des étrangers qui ne pourraient plus désormais échanger leurs expériences ni influencer, l'un par l'autre, leurs perceptions.
     
    Margaret Greenworth lui avait appris à voir avec les yeux de l'esprit. Par eux, il s'était assuré des forces occultes enfermées dans les tombeaux jumeaux d'Alcobaça, unique sépulture d'un amour supra-humain. La tombe d'Anna dans le cimetière de Sienne avait, par lui, atteint à son unité. Il avait rassemblé par-delà le temps de la mort des êtres de chair et de sang devenus par une connivence mystique une seule et éternelle fatalité. Son père et Anna, ensevelis côte à côte, perdaient toute individualité et participaient comme Pierre le Cruel et Inés de Castro au

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