Vengeance pour un mort
semble-t-il.
— Exact. Alors dites-moi qui elle est et ce qu’elle ne peut faire.
— Elle s’appelle Bonafilla et elle doit se marier mardi prochain, expliqua Raquel.
— Mais pas à l’homme qu’elle a rencontré sur la place et à qui elle a dit ne pouvoir faire je ne sais quoi.
— Il veut son aide, pour quelque raison inconnue, dit Yusuf.
— Allons, Yusuf, fit Raquel avec impatience. Qui dans cette ville pourrait avoir besoin de son aide ? Il la veut, elle, oui. Elle est très jolie, señor. Non, je mens. Elle est très belle.
— Plus belle que vous, maîtresse ? demanda le blessé. C’est une question sérieuse, et je ne vous la pose pas par pure galanterie.
— Elle est d’une beauté surprenante, répliqua Raquel après un instant de réflexion. Si elle se promenait dans les rues sans voile, elle ferait se retourner plus de têtes que moi.
— Je comprends. Elle doit se marier mardi et vous pensez que cet individu souhaite la voir s’enfuir avec lui… Se connaissent-ils depuis longtemps ?
— Ils se sont rencontrés lors de notre dernière étape. Mais elle l’a revu depuis et elle lui a parlé. Elle me l’a avoué. Et il l’a pressée pour qu’ils s’enfuient ensemble.
— En lui proposant le mariage ?
— J’ignore ce qu’il lui a offert en échange. Elle est restée discrète sur ce point. Il est motivé par le désir, je suppose. Mais il lui a aussi parlé de l’or de son père qu’elle apporte en dot. Cela doit compter dans son désir.
— Ah, la cupidité. Peut-être ne sait-elle comment faire sortir l’or de la maison.
— Je vois mal comment elle le pourrait, dit Raquel. Il doit se trouver dans un coffre fermé à clef. Et maître Astruch n’est pas assez naïf pour la lui confier si elle la lui demandait.
— On croirait l’une de ces histoires que content les jongleurs… Elle rencontre un homme en voyage, ils tombent amoureux et ne songent plus qu’à fuir ensemble. Ont-ils passé beaucoup de temps en conversation ?
— Non, répondit Yusuf. Ils ont peut-être échangé quelques plaisanteries ou des remarques concernant le mauvais temps, mais en dehors de ça, Bonafilla s’est toujours trouvée auprès de son père et de son frère, ainsi que de sa servante et de maîtresse Raquel.
— Ce ne sont pas les meilleures conditions pour une entreprise de séduction, jugea le blessé. Sous le nez de son père.
— Je ne parviens pas à croire qu’elle puisse rejeter famille et mariage avec un garçon qu’elle trouve à la fois beau, attirant et plein d’esprit pour partir avec un étranger, dit Raquel.
— À moins qu’ils ne se soient rencontrés auparavant et qu’il ne soit pas tombé sur vous par hasard. Personnellement, si je voulais sauver ma bien-aimée d’un mariage forcé, c’est le genre de chose un peu folle que je ferais au dernier instant.
— Mais elle est resplendissante quand elle est avec David. Je l’ai vu. Et si elle en avait aimé un autre, il me semble que son père l’aurait écoutée. C’est un homme fondamentalement bon.
— Peut-être pas si l’amant était un chrétien, suggéra le blessé. Est-ce le cas ?
— Je l’ai supposé, mais en fait je l’ignore. Nous n’avons parlé que du temps, de notre destination et de l’état des routes. Et, quand elle voyage, pour une question de sécurité, toute personne sensée se vêt et se comporte comme un chrétien ainsi que le permet Sa Majesté le roi.
— Est-elle seule pour le rencontrer ?
— Non, messire, dit Yusuf. Elle a sa servante avec elle.
— Je crois que nous devrions en parler à quelqu’un, dit Raquel. Mais cela pourrait provoquer des problèmes inutiles.
— Il est possible qu’elle s’amuse à goûter le danger quelques jours avant de devenir une femme mariée et respectable, dit le blessé. Après tout, on peut trouver quelque chose d’excitant mais de parfaitement inoffensif dans un rendez-vous en plein après-midi sur une place publique et sous le regard d’une servante complice. J’ai entendu dire que les jeunes dames aimaient jouer avec le feu tant que leurs actions restaient sans conséquence.
— Je vais demander à Ester ce qu’elle en pense. Ou ce qu’elle sait, conclut Raquel. Parce que vous avez peut-être raison. Elle en veut à son père.
— Pourquoi ?
— Il a pris une jeune épouse, une femme agréable que maîtresse Bonafilla n’apprécie pas. Elle croit que son père a arrangé son mariage sur
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