Vengeance pour un mort
Yusuf était parti au marché avec Jacinta et la cuisinière, qui avait toute une liste d’achats à effectuer et qui aurait besoin d’aide au retour. La femme de maître Samiel Caracosa était arrivée et elle se trouvait déjà dans la cuisine avec maîtresse Ruth pour la décharger d’un certain nombre de choses. Raquel était tranquillement assise dans la chambre du patient, à regarder les toits fumants ou l’homme qui prenait un déjeuner composé de pain, de fromage et de fruits.
On sonna à la porte de la maison. Raquel se demanda qui pouvait venir à une heure aussi active, mais elle était heureuse que cela ne la concernât pas. On insista. La jeune servante était occupée à faire les lits. Elle dévala l’escalier, ouvrit la porte d’entrée et poussa un cri de surprise. Devant elle se dressait un dominicain, seul, magnifique dans sa robe blanche.
— Bonjour, salua-t-il d’une voix douce. Pourrais-tu dire à ton maître que le père Miró, de l’ordre des Prêcheurs, est ici et aimerait l’entretenir au sujet de son patient ? Car cette maison abrite un malade, me semble-t-il.
Terrorisée, la jeune fille fit signe que oui.
— J’aimerais converser brièvement avec lui.
— Je vais prévenir le maître.
La servante paniquée lui ferma la porte au nez et courut chercher Jacob. À peine capable de respirer, elle transmit son message.
— Merci, dit Jacob. Où l’as-tu laissé ?
— Sur le pas de la porte. Il est sur le pas de la porte, messire, fit-elle avant de filer prévenir sa maîtresse.
— Père Miró, dit Jacob quand il eut ouvert la porte et prié le dominicain d’entrer, vous êtes le bienvenu dans ma maison. Je dois m’excuser pour ma servante, ajouta-t-il. C’est une jeune fille sans éducation, mais elle devrait tout de même savoir qu’on ne traite pas un visiteur ainsi.
— C’est sans importance, maître Jacob, répondit le religieux en suivant le médecin dans son cabinet. Vous a-t-elle fait part de mon message ? Vous avez ici un patient, je crois.
— Oui, répondit Jacob sans la moindre hésitation.
— Est-il en assez bonne santé pour me parler ?
— Je le pense. Vous pourrez en juger par vous-même en le voyant. Je vous demande seulement de vous rappeler que ses blessures sont sérieuses et qu’il n’est toujours pas hors de danger, même s’il se remet bien. Si vous voulez bien me suivre, dit-il en l’entraînant dans la cour, je l’ai installé dans une chambre paisible, loin de l’agitation de la maison.
Quand le prêtre et le médecin arrivèrent, le malade terminait tranquillement de déjeuner de pain et de fromage. Raquel sauta du rebord de fenêtre et fit une rapide révérence devant l’étranger.
— Puis-je vous présenter maîtresse Raquel ? dit Jacob. Elle m’aide à veiller sur mon patient. Le père Miró aimerait lui parler un instant, ajouta-t-il.
— Désirez-vous que je reste, mon père ? demanda Raquel.
— Merci, maîtresse, mais cela ne sera pas utile.
— Je serai dans la cour si vous avez besoin de moi.
À nouveau elle fit la révérence, puis elle quitta la pièce. Jacob s’attarda un instant comme s’il regrettait de devoir laisser seuls les deux hommes, puis il s’inclina et sortit à son tour.
Le père Miró se tourna vers le blessé.
— Quelle créature maléfique a pu vous faire ça, señor ?
— Une créature ? répliqua avec prudence le patient.
— Contesteriez-vous l’existence d’hommes mauvais en ce monde ? demanda le père Miró en souriant.
— Vous parlez d’hommes. Oui, j’ai vu trop d’hommes malfaisants pour douter de leur existence, mon père, mais votre question ne s’applique pas dans mon cas. Mes blessures sont le résultat de ma propre incurie, pas de la méchanceté des hommes. Je suis tombé de mule.
— Je ne le pense pas, affirma le père Miró Mais puisque, pour quelque raison, vous cherchez à dissimuler l’identité de votre assaillant, qu’il en soit ainsi. Cela ne me regarde pas. Souvenez-vous-en.
— J’ai l’habitude de la prudence, mon père, mais je n’ai nulle raison de dissimuler l’identité de quiconque.
Le patient s’arrêta un instant pour reprendre des forces.
— La lune était claire quand c’est arrivé et, bien que la rue fût par endroits plongée dans la pénombre, j’ai entrevu les hommes qui m’ont fait ça. J’ai passé beaucoup de temps à penser à eux, soyez-en assuré, et j’en ai conclu qu’ils ne sont
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