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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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l’abolition des droits de douane protectionnistes. Il incline de plus en plus en faveur de l’abrogation des lois sur le blé, qui maintiennent un prix du pain très élevé, en rendant impossible l’achat de céréales d’importation.
    Il reste que Peel est le chef des conservateurs. Il a été porté au pouvoir par des électeurs et des groupes d’intérêt farouchement hostiles au libéralisme de certains whigs. Certes, Peel ne manque pas de partisans prêts à le suivre sur la voie du libre-échange, au nombre desquels il peut compter le prince Albert et la reine Victoria. Quoi qu’il en soit, sa conversion entraîne une scission de son parti.
    Un certain Benjamin Disraeli, député conservateur de Maidstone, fougueux quadragénaire, s’engouffre dans la brèche. Il s’est rapproché de Lord Bentinck, tête de file des conservateurs protectionnistes, qu’il appuie de toute sa célébrité d’écrivain. Orateur envoûtant, romancier de grand talent, il vient de faire paraître un treizième roman, d’une portée résolument politique : Coningsby, ou la Nouvelle Génération .
    Disraeli, « Dizzy » pour ses proches, est l’inspirateur d’un mouvement, la « Jeune Angleterre », qui s’illustre de noms comme ceux de Lord John Manners ou de Monckton Milnes. Ces romantiques ont en commun une vision idéalisée de l’aristocratie. Ils rêvent de restaurer un âge d’or moyenâgeux, inspiré des temps antérieurs à la Réforme, mère de l’esprit bourgeois. Sans la recherche forcenée du profit, le peuple industrieux prospérerait harmonieusement, sous la bienveillante protection militaire de la noblesse. Le clergé, incidemment, pourrait avantageusement être remplacé par les artistes et les gens de lettres.
    Face à des dandys aussi séduisants, Peel et ses amis partisans du libre-échange sont en délicate posture. Le très austère Sir Robert a la réputation d’être un homme de convictions éminemment intègre. Cependant, l’ombre des milieux d’affaires s’attache à sa silhouette hésitante, dans un pays où commencent à se former d’inquiétantes bulles de spéculation. C’est particulièrement le cas dans le domaine des chemins de fer, dont l’expansion rapide fait tourner les têtes.
    En tout état de cause, le libre-échange est la question du moment. Pourtant, elle n’est pas neuve : elle revisite la doctrine du laisser-faire , exposée, au siècle précédent, par le philosophe écossais Adam Smith. Le débat est passionné. Certains y voient la panacée indispensable pour sortir de la crise, d’autres diabolisent cette ouverture à la concurrence étrangère et prophétisent l’effondrement définitif du pays.
    Par ailleurs, le revirement de Peel renverse la table du jeu politique. En effet, le libéralisme économique a été jusque-là considéré comme un credo de l’opposition. Certes, les whigs ne l’ont jamais véritablement mis en pratique quand ils étaient au pouvoir. Néanmoins, depuis quelques années, le terme « whig » est devenu synonyme de « libéral ». Désormais, des mouvances des deux partis se disputent l’appellation, ainsi que la paternité de la doctrine.
    Les difficultés de Sir Robert Peel sont aggravées par les conséquences d’une autre idée généreuse. L’Irlande est depuis des années au bord de l’insurrection. Il est à craindre que la famine, en affaiblissant physiquement les Irlandais, soit la seule circonstance qui les retienne encore de prendre leur indépendance par les armes. Pour convaincre les Irlandais de garder leur attachement au Royaume-Uni, le gouvernement conservateur se propose de faire un effort dans le domaine de l’éducation. À Belfast, à Cork et à Galway, il fondera des « universités de la reine », des « Queen’s Colleges », ouvertes à tous les jeunes Irlandais, quelle que soit leur confession. Victoria, dont l’ouverture d’esprit en matière de religion est bien connue, s’en félicite.
    Cette mesure s’assortit d’une augmentation, de plus du triple, du budget alloué au séminaire de Maynooth, établi en 1795 pour la formation des prêtres catholiques romains. Une telle générosité peut paraître surprenante à certains. C’est une politique qui vise à réduire les dissensions religieuses dont se nourrit le mouvement séparatiste. Cela permet aussi d’exercer quelque contrôle sur les guides spirituels des masses irlandaises, dans un pays dont les élites sont

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