Victoria
paraît incarner, la confiance revient et les affaires reprennent.
Dans les derniers jours de l’année se tient à Baker Street une foire aux bestiaux, tout près du musée de cire de Madame Tussaud où, parmi les effigies de personnalités célèbres, une bonne bourgeoise en bonnet de dentelle se promène nonchalamment, avec ses enfants suivis de leur gouvernante. Elle s’arrête devant les figures de Guillaume IV et de la reine Adélaïde.
« Que ces rois et ces reines sont donc laids et sinistres ! lui dit un fermier à côté d’elle.
— Je suis parfaitement d’accord avec vous : ils le sont, en effet ! » lui répond Victoria que l’homme ne penserait sûrement pas rencontrer dans ce lieu – on a dû oublier de lui dire que l’établissement est en réalité fermé au public.
« Ah ! s’exclame le paysan loquace en apercevant Nelson, il était de chez moi !
— Vous êtes donc du Norfolk ?
— Comme de juste, madame !
— Mais alors, je vous prie, pouvez-vous me donner des nouvelles récentes de cette pauvre Mrs Jermy ? Je compatis tellement à son triste sort.
— Je n’en sais pas plus que les journaux, madame, cela fait plusieurs jours que j’ai quitté la maison. »
33
« Je ferai de mon mieux », avait déclaré Victoria en comprenant quel serait son destin. Elle avait 11 ans quand la baronne Lehzen avait mis sous ses yeux la généalogie des souverains du Royaume-Uni. Elle consacre désormais sa vie à sa vocation de reine. Il en va de même pour le prince Albert, qui depuis sa naissance a été élevé dans le but d’être pour elle le meilleur mari possible. Ils font des erreurs, ils ont des défauts, mais leur constant désir est de les corriger au mieux de leurs capacités.
Victoria et Albert ont un sens aigu de leur devoir d’être exemplaires. Le pays exige cela d’eux et ils ne ménagent pas leurs efforts. C’est essentiel, tout d’abord, pour la survie de la monarchie parlementaire, établie en Grande-Bretagne dès 1688, à l’issue de la deuxième révolution. Historiquement, il leur incombe de pallier les manquements de leurs prédécesseurs. La fidélité conjugale et les vertus domestiques sont le socle consensuel d’une nation très diverse dans ses classes, ses religions et ses intérêts.
Victoria, quoi qu’il lui en coûte, se voit dans l’obligation d’être la mère d’une nombreuse famille. Le soin que la reine et le prince apportent à l’éducation de leurs enfants découle de la nécessité de former pour l’avenir des princes éclairés. Ainsi s’explique la pression, peut-être excessive, qui s’exerce en particulier sur le prince de Galles, héritier direct de la couronne. Que Victoria vienne à mourir, et Bertie serait appelé à régner, sous la régence du prince Albert jusqu’à l’âge de 18 ans. C’est un garçon difficile et sensible, plein d’affection pour sa sœur Vicky en dépit de la supériorité intellectuelle de celle-ci. D’un tempérament explosif, il ne supporte pas la moindre raillerie. Surmené, il entre parfois dans des colères si violentes qu’elles l’épuisent, au point qu’il ne peut plus travailler. Dans sa huitième année, il est placé sous la houlette de Mr Henry Birch, qui par la douceur obtient de meilleurs résultats. Il se trouve que Mr Birch se destine à la prêtrise. Victoria, qui se méfie du « puseyisme », ce courant anglican ritualiste du mouvement d’Oxford, lui a fait promettre d’adopter profil bas en matière de religion.
C’est dans cette optique familiale et symbolique que se justifie la maison d’Osborne. Sa Majesté veut et doit avant tout paraître comme la maîtresse d’un foyer, résidant de préférence dans un lieu proche de la nature. À cet égard, l’île de Wight est l’endroit rêvé pour la reine de la grande nation maritime et coloniale. L’emplacement est aussi emblématique de son intérêt capital pour les affaires étrangères.
Elle aime Osborne autant que Balmoral, où l’attire sa passion pour l’Écosse. Si celle-ci naît d’un romantisme authentique, elle souligne aussi d’autant plus fortement que Victoria est la souveraine de la Grande-Bretagne. Elle est reine d’Angleterre, mais également d’Écosse, depuis l’Acte d’union de 1707, qui a réuni les couronnes aussi bien que les Parlements des deux nations.
C’est pour la même raison que certains membres de son Conseil privé souhaitent qu’elle se donne aussi
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