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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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Au-delà des terrasses, sur le Solent à peine voilé d’une brume de chaleur, croisent lentement les bateaux de plaisance et les navires de guerre.
    Le peintre Franz Xaver Winterhalter, en blouse ouverte aux manches retroussées, fait le portrait du maharajah du Penjab, Dhulîp Singh. Victoria est sous le charme de ce jeune prince oriental de 16 ans, qui semble, avec ses grands yeux noirs, ses membres minces et graciles, sortir tout droit des Contes des Mille et Une Nuits . En costume multicolore aux innombrables plis et replis, il est coiffé d’un turban décoré de pierres précieuses. Ses boucles d’oreilles se détachent étrangement sur un fin collier de barbe noire. Son cou est rehaussé de plusieurs rangs de perles superposés. Il prend une pose royale, s’appuyant sur le pommeau ouvragé de son sabre recourbé.
    Victoria sait gré à Lord Dalhousie, gouverneur des Indes, de lui avoir permis de rencontrer ce beau jeune homme. Le maharajah s’est converti au christianisme. On régularise l’acquisition par la Couronne du diamant Koh-i Nor, confisqué lors de la conquête du Penjab, cinq ans auparavant.
    Winterhalter sait rendre à merveille la beauté du jeune prince. Sur sa toile, il paraît bien plus exactement réel que sur les photographies que le prince Albert s’essaie à prendre de lui. Ce peintre est un vrai magicien. Il aime dissimuler dans ses tableaux des illusions d’optique dont il garde jalousement le secret. Ainsi Victoria s’amuse à vérifier, chaque fois qu’elle passe devant le tableau, s’il est bien vrai que le maharajah tourne le pied pour la suivre du bout de sa pantoufle.
     
    À la même époque, le prince Albert reçoit une invitation de Napoléon III. Le Foreign Office, que supervise toujours Palmerston, n’est sans doute pas pour rien dans cette démonstration d’entente cordiale entre les deux nations alliées contre la Russie. Dans la première semaine de septembre, Albert s’en va donc pour quatre jours, qu’il passe exclusivement en compagnie de l’empereur. De Boulogne, Napoléon III l’accompagne au camp de Saint-Omer, pour inspecter les cent mille hommes qui, massés près de la côte normande, s’entraînent pour partir en Crimée.
    « J’aime mieux aujourd’hui, écrit Napoléon III à Victoria, ne pas envisager le côté politique de cette visite et vous dire sincèrement combien j’ai été heureux de me trouver pendant quelques jours avec un prince aussi accompli, un homme doué de qualités si séduisantes et de connaissances si profondes. »
    Bien que l’empereur soit son aîné d’onze ans, le prince trouve que son entourage manque de distinction. Il ne fait pas grand cas de son éducation, y compris dans le domaine des sciences politiques. Chose surprenante à ses yeux, Napoléon n’a pas la vanité de faire semblant de connaître les sujets qu’il ignore ; il n’a aucun mal à laisser au prince le beau rôle. Victoria, elle, s’étonne que l’empereur tarde tant à accepter son invitation à lui rendre visite à Windsor. Il ne leur est pas aisé de comprendre quel jeu il joue.
    Quelques semaines plus tard, le 20 septembre, c’est la victoire de l’Alma. La bataille fut sanglante, mais la nouvelle provoque une immense allégresse.
    « Jamais, écrit Victoria, en un temps si court, une batterie si forte et si bien défendue n’a été si brillamment et vaillamment prise. »
    Certains informateurs annoncent la chute de Sébastopol. Le 4 octobre, à Balmoral, Victoria reçoit encore une dépêche annonçant la prise de la citadelle russe, mais toujours pas de source officielle.
    « Nous sommes, écrit Victoria à Léopold, comme en vérité tout le pays, entièrement obnubilés par une seule idée, une seule pensée anxieuse : la Crimée ! »
    Deux jours plus tard, la chute de Sébastopol est démentie. L’armée britannique s’est établie à Balaklava. Il n’y a pas de système hospitalier de campagne. L’état sanitaire des armées est désastreux : les maladies font plus de morts que les batailles et il n’y a pas de troupes de réserve. À Londres, on tente de s’organiser pour pallier les défauts de la logistique. Sir Robert Peel, le fils aîné du défunt Premier ministre, lance dans le Times une souscription pour acheter des médicaments. Le prince Albert prend la tête d’un fonds patriotique pour venir en aide aux familles des soldats morts.
    Comme tous les dimanches, à midi, la famille royale s’est

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