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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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pouvoir se maintenir. Privé de l’appui de Palmerston, Derby jette l’éponge.
    Victoria se tourne alors vers les whigs, s’adressant d’abord au marquis de Landsdowne, qui, à 85 ans, s’estime trop vieux pour une telle charge. La reine appelle Lord Russell, qui fut son Premier ministre au temps de la grande famine irlandaise et mit en œuvre la politique libérale préconisée par Robert Peel. Russell lui répond que Palmerston est le seul de ses amis politiques qui accepterait de le suivre. En désespoir de cause, ayant épuisé toutes les échappatoires, Victoria se voit contrainte d’inviter Palmerston à Buckingham Palace pour lui demander de bien vouloir former un gouvernement.
    Le 6 février 1855, à 6 heures du soir, Old Pam s’avance laborieusement, courbé et s’appuyant sur ses cannes. Il pose un genou à terre et baise la main d’une souveraine impavide et un peu tremblante de l’effort qu’elle s’impose pour ne rien laisser paraître de ses sentiments.
    « Dire que Lord Palmerston est maintenant chargé de former un gouvernement ! Je n’avais pas d’autre alternative, écrit-elle au roi des Belges le soir même. Les whigs le rejoindront et, je l’espère bien, les partisans de Peel également, ce qui serait très important et tendrait à adoucir l’inquiétude que son nom, je le crains, suscitera à l’étranger. »
    Victoria ne le sait que trop bien, et ses nerfs en sont mis à rude épreuve : la réalité de la guerre apporte un atroce démenti à ses enthousiasmes héroïques et chevaleresques. Les manœuvres politiques de la monarchie parlementaire réduisent son pouvoir et la confinent dans une fonction de mandarin. Elle bout et son sang-froid lui échappe. Elle se fait violence pour se contenir en public, puis sa rage explose en privé pour des prétextes si futiles qu’elle peine parfois à se les rappeler. Elle passe sa frustration sur Albert, le poursuivant de ses cris et de ses reproches pendant des heures, et met ensuite plusieurs jours à se ressaisir.
    Une reine n’a pas de vie privée. Son destin, comme celui de ses proches, est dicté par la politique du pays et les relations internationales. Depuis plusieurs semaines, le prince Frédéric-Guillaume est l’invité de la famille royale. Dès le baptême de Vicky en 1840, le projet a été formé de la voir épouser un jour l’héritier du trône de Prusse. Il n’en reste pas moins que cela devra nécessairement être un mariage d’amour. Ils se sont rencontrés pour la première fois lors de l’Exposition de 1851. Vicky a tout juste 15 ans, Fritz en a 24 ; il séjourne longuement dans la famille dans l’espoir que naîtront de tendres sentiments.
    À voir se nouer sous ses yeux une idylle si semblable à la sienne, Victoria éprouve un bonheur attendri auquel vient toutefois se mêler un sentiment de révolte. C’est encore une fois un mariage de raison d’État que l’on couvre du voile d’un amour fabriqué. Bien qu’elle refuse de se l’avouer trop explicitement, le sort qui est réservé aux femmes la révulse. Voilà ce qu’elle reproche vraiment à Albert : elle lui en veut d’être tellement amoureuse de lui, au point de ne pouvoir supporter qu’il s’absente plus de quelques heures. La maternité l’a privée des plus belles années de sa vie et l’a éloignée du pouvoir. C’était hier, lui semble-t-il, que Vicky venait au monde. Les grossesses se sont succédé, détruisant ses nerfs un peu plus à chaque fois.
    Ses crises d’hystérie sont devenues chroniques depuis la naissance de Léopold en 1853, car elle tremble constamment que la moindre chute, la plus petite égratignure ne lui soit fatale. Tout à coup, elle va devoir se séparer de son aînée, cette enfant qu’elle n’a jamais aimée si fort qu’au moment de la quitter. Pour comble d’ironie, elle ne peut que s’en réjouir. Ses incontrôlables éruptions de rage la minent doublement. Elle a honte de ne pas pouvoir contenir ses récriminations, bien futiles en comparaison du sort de ses hommes qui se battent en Crimée. Elle éprouve une impuissance coupable de ne pouvoir rien faire pour mettre un terme à leur calvaire.
    Cette guerre qui n’en finit pas est un cauchemar, où l’horreur le dispute à l’indécence. Le Times publie jour après jour les reportages de son envoyé spécial, William Russell, que les autres journaux reprennent en écho. Les braves se font massacrer sans broncher pour la reine et le

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