Victoria
nationalisme pousse les Britanniques à l’action en Égypte. Les partisans d’Ahmed Urabi se soulèvent contre le khédive et prennent le pouvoir, avec l’intention déclarée de chasser les Occidentaux. Des émeutiers assassinent quelques ressortissants britanniques et français. La Grande-Bretagne et la France envoient leurs flottes à Alexandrie.
Le prince de Galles souhaite se joindre au corps expéditionnaire du général Wolseley. Victoria s’y oppose, parce qu’il est l’héritier du trône. Elle n’a toutefois pas d’argument valable pour retenir le prince Arthur. « Je ne voudrais sous aucun prétexte qu’il n’accomplisse pas son devoir. » Arthur, duc de Connaught, vient prendre congé de Victoria, avec son épouse la princesse Louise-Marguerite de Prusse. Victoria lui offre cantine et jumelles, Louischen sa tente militaire. Ils dînent à quatre avec Béatrice, s’efforçant de refouler leur angoisse. Puis ils sortent sur la terrasse et regardent le clair de lune en silence.
En juillet 1882, la Navy bombarde Alexandrie et investit la ville. Wolseley débarque ses troupes en Égypte et prépare sa campagne. À Osborne, Victoria reçoit la visite de Cetshwayo kaMpande, le roi des Zoulous du Natal. Le conflit du Transvaal a plongé son peuple dans une guerre civile attisée par des mercenaires boers. Gladstone souhaite le rétablir sur son trône, à Ulundi. En arrivant en présence de la reine, Cetshwayo et sa suite la gratifient d’un impressionnant salut zoulou. Ils lancent d’une seule voix une même exclamation en levant la main droite au-dessus de leur tête.
« Cetshwayo est un très bel homme, écrit la reine dans son journal, dans le costume de son pays, c’est-à-dire pas de costume du tout. »
En réalité, il est vêtu « d’une hideuse redingote noire et d’un pantalon ». La circonstance est assez remarquable, parce qu’une étiquette très stricte régit le costume de cour masculin. La culotte et les bas sont de rigueur, ainsi que le veston à queue de pie. Cetshwayo porte un anneau autour de la tête. C’est un homme grand et massif, qui s’exprime dans sa langue en gesticulant beaucoup. Mr Shepstone, l’administrateur britannique du Natal, sert d’interprète. La conversation est limitée, moins pour des raisons linguistiques que par l’ampleur de l’écart culturel. Bientôt, le roi des Zoulous et son équipage prennent congé en réitérant tous ensemble leur salut royal. Debout dans la voiture qui s’éloigne, Cetshwayo ne quitte pas des yeux Victoria, qui l’observe de son balcon, aussi longtemps qu’ils sont à portée de vue l’un de l’autre.
« Grande victoire. Duc sain et sauf. » Ce télégramme, que Sa Majesté reçoit d’Égypte le 13 septembre 1880, la rassure à plus d’un titre. Le prince Arthur, duc de Connaught, commandant la brigade des gardes, s’est illustré à la bataille de Tel el-Kébir, où l’armée du général Wolseley a défait les rebelles d’Ahmed Urabi. Les Français ayant montré quelque hésitation, Wolseley a fait le travail tout seul. Les puissances européennes sont mises devant le fait accompli : la Grande-Bretagne s’est rendue maîtresse de l’Égypte. Victoria veille au grain, pour la plus grande exaspération de Gladstone. Elle fait télégraphier à son ministre des Affaires étrangères :
« Chiffrez comme suit. La Reine à Lord Granville. Pense que vous devriez être très prudent avant de parler d’un prochain retrait des troupes. Nous ne devons nous engager à rien. Nous n’avons pas combattu et versé un sang précieux et consenti de grandes dépenses pour rien. »
Le 18 novembre, à St James’s Park, Victoria, émue, passe en revue les troupes revenues d’Égypte. Arthur défile à la tête de sa brigade. « Il ressemble tellement à son cher papa bien-aimé. » Sa Majesté décore trois cent trente braves de la médaille de la Campagne égyptienne. « Je crains d’en avoir piqué un. » Parmi ces héros, des Indiens lui tendent la lame de leur épée pour qu’elle la touche.
« J’aime pouvoir les regarder de près : ce sont des hommes si admirables et certains sont tellement beaux ! »
Elle est debout sur un magnifique tapis turc, trophée pris par le duc de Connaught dans la tente d’Ahmed Urabi, après la bataille de Tel el-Kébir.
« Arthur a dormi dessus cette nuit mémorable et me l’a offert. »
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Au cours de la session parlementaire de
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