Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
Vom Netzwerk:
éclairés pour l’arrangement des décors orientaux. Ses avis sont également précieux pour quelque scène plus prosaïque comme ce « Campement bédouin ». L’exotisme alterne avec l’esthétique Renaissance de « Fotheringay », où la princesse Louise personnifie Mary, reine d’Écosse, au moment où elle apprend sa condamnation à mort. Mr Victor Biddulph la soutient moralement, dans le rôle du confesseur. Après un intermède, voici « La reddition de Calais », où Sir Henry Ponsonby fait un Edward III très convaincant. Une autre pose fige admirablement la féerie shakespearienne de La Nuit des rois . Voyez encore ces trublions d’une comédie de Goldsmith suspendus en plein chahut à la table d’une taverne.
    La vogue des « tableaux vivants » est avivée par les photographes, qui s’ingénient à pasticher par leurs clichés les compositions des grands maîtres de la peinture. Ces divertissements populaires se déclinent aussi en plein air, lors des occasions festives, imitant parfois des groupes de statues. Dans certaines salles de spectacles, plus fréquentées que fréquentables, des « poses plastiques » permettent la contemplation esthétique de corps nus. Par une heureuse lacune du texte de la loi, leur présence sur scène échappe à la censure aussi longtemps qu’ils ne bronchent pas d’un cil.
     
    Victoria est arrivée très en avance, ce 6 juillet 1893, à la chapelle royale du palais St James, où vont être célébrées les noces de Mary de Teck avec George de Galles, duc d’York. Ainsi, ce mariage qu’elle avait appelé de ses vœux, entre Georgie qui succédera un jour à Bertie et l’admirable May, se réalise. Le souvenir du télégramme par lequel son petit-fils lui annonçait l’heureuse nouvelle de ses fiançailles se mêle à celui de toutes les œuvres d’art qu’elle a admirées longuement à Florence, au mois de mai. Le beau visage du pauvre Eddy, avec ses grands yeux tristes, lui revient en mémoire. Elle a commandé au sculpteur Albert Gilbert un sarcophage représentant le duc de Clarence gisant et surmonté d’un ange, pour sa tombe dans l’Albert Memorial Chapel de Windsor. Au mausolée de Frogmore, l’effigie de son cher Albert attend d’être rejointe par la sienne, terminée depuis longtemps déjà par Carlo Marochetti. À Kensington, dans les jardins où elle se promenait enfant, Victoria inaugurait, quelques jours auparavant, une statue d’elle-même, sculptée par sa fille la princesse Louise. Elle revoit son image fixée dans le marbre blanc, assise tout au bord d’un trône si haut qu’elle se tient presque debout. Couronnée, sceptre en main, c’est une Victoria sans âge, capturée pour la postérité au beau milieu de son règne. La voici maintenant, arrivée la première dans cette chapelle royale du palais St James, qui depuis un moment elle regarde les processions princières prendre place, et voit maintenant May, conduite à l’autel, où elle rejoint Georgie devant l’archevêque de Cantorbéry.
    « Comment ne pas me souvenir que je m’étais tenue au même endroit que May, cinquante-trois ans auparavant, et que Vicky, il y a trente-cinq ans, mais que ceux que nous aimions, qui se tenaient au même endroit que Georgie, nous avaient tous quittés ! Puisse le bonheur de ces chers enfants durer plus longtemps ! »
    Pour le grand dîner de noces à Osborne, la salle Darbâr est illuminée d’une profusion de lampadaires au gaz et de chandeliers. La princesse Mary, désormais duchesse d’York, resplendit dans sa robe de mariée. Une tiare de diamants flamboie dans ses cheveux remontés en bouclettes serrées, dénudant son cou altier où s’irise un collier de pierreries. Près d’elle, Victoria présente une mine sereine, dans son immuable toilette noire barrée du ruban bleu de l’ordre de la Jarretière, dont le badge scintille avec l’Étoile de l’Inde, coiffée d’une petite couronne sur son voile de mariée. Elle observe la longue tablée qui bourdonne.
    À l’autre bout de l’immense salle, qui évoque tout à la fois les palais des Moghols et les halls des rois anglais du Moyen Âge, un orchestre joue sur une galerie des ménestrels, derrière les jalousies de hauts moucharabiehs. Le décor indo-sarracénique mêle les styles islamiques et hindous des diverses régions de l’Inde. Le regard se perd dans les pléthoriques moulures baroques du plafond aux profonds caissons de staff, d’où pendent les

Weitere Kostenlose Bücher