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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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allemand : quelle idée ! Comment lui dire sans trop le froisser que c’est hors de question ? « Il est toujours plus sûr, lui dit-elle, d’écrire en anglais, car je peux mieux m’expliquer, et j’espère que tu peux lire mon anglais, car je m’efforce d’être très lisible. »
    Au jeu de la domination amoureuse se superpose un impératif politique. Tout doit être fait, en temps utile, pour que la naturalisation d’Albert ne soit pas purement formelle : il faudra qu’il apprenne à se comporter comme un Anglais. Il demande la pairie : Victoria la lui refuse en arguant de sa condition d’étranger.
    « D’un trait de plume, lui écrit Albert, dépité, tu peux faire de moi un pair du royaume et me donner un nom anglais. »
    Ce serait illégal et très impopulaire. Il ne peut pas non plus être membre du Conseil privé. Sachant, mieux que quiconque, qu’il convient de diviser pour régner, Victoria lui impose aussi de congédier son secrétaire particulier allemand, le Dr Schenck, pour nommer à sa place George Anson, jusque-là au service de Lord Melbourne. Albert tente de résister, arguant qu’Anson est un whig – lui, souhaite demeurer au-dessus des partis.
    « Concernant ta dernière objection, que cela ferait de toi un homme de parti si tu prenais le secrétaire du Premier ministre comme trésorier, je n’en suis pas d’accord. Car, bien que je sois très désireuse que tu n’apparaisses pas comme appartenant à un parti, il est toutefois nécessaire que ta maison ne présente pas un contraste trop fort avec la mienne. Sinon, ils diront : “Oh ! nous savons bien que le prince dit qu’il n’appartient à aucun parti, mais nous sommes sûrs qu’il est un tory.” »
    Albert ne comprend pas non plus très bien pourquoi le couple royal ne résiderait pas à Windsor. Le château est plus romantique que Buckingham Palace, plus conforme à ce qu’il a connu jusque-là à Cobourg, et de son point de vue présente l’avantage d’être à l’écart des trépidations londoniennes. Ils pourraient, à tout le moins, y rester assez longtemps pour leur lune de miel.
    « Tu oublies, mon très cher amour, que je suis la souveraine, et que les affaires ne peuvent en aucun cas s’arrêter et attendre. Le Parlement siège, quelque chose se passe presque tous les jours, pour quoi ma présence peut être requise, et il m’est tout à fait impossible d’être absente de Londres. Par conséquent, deux ou trois jours sont déjà une longue absence. »
     
    Charles Greville, greffier du Conseil privé, se rend à Buckingham Palace. Il traverse la cité de Westminster. Des chansonniers de rue dégoisent d’une voix nasillarde des ballades, dithyrambiques ou insolentes, sur le mariage royal. Des gamins apostrophent les passants, bramant leurs boniments avec un accent typique, pour vendre des portraits du «  mârveilleux prance étronger  ». Les boutiques sont pleines d’un bazar de gravures, où Victoria trône généralement sur une mer de fleurs.
     
    Greville est porteur d’une bonne nouvelle. Il a étudié de près les textes légaux, cherchant un moyen pour la reine de contourner les chicaneries du Parlement et des ducs royaux. Il vient de rédiger un mémorandum. La loi de Henry VIII sur l’ordre de préséance ne concerne que la Chambre des lords et le Conseil privé. Le prince Albert n’appartenant ni à l’une ni à l’autre, Sa Majesté a donc le pouvoir de statuer seule, par lettres patentes.
    Pendant ce temps, les rumeurs hostiles à Albert se multiplient. Son prétendu catholicisme demeurant indémontrable, on le fait passer pour un radical et un infidèle. Le Times le trouve trop jeune. Certains vont jusqu’à insinuer qu’il est peut-être bien le fils d’un amant de sa mère. La reine aurait dû épouser George de Cambridge ou un prince d’Orange. On se perd en chicaneries ridicules : pas moyen de faire autrement que de cantonner les armoiries royales d’Albert en haut de son écusson, comme on le fait pour une femme. Victoria souhaite que le nom d’Albert soit inséré, à côté du sien, dans la prière anglicane : impossible.
    Oh ! Elle n’en doute pas, tout ce harcèlement est l’œuvre de « ces abominables, ces infâmes tories », ce « méchant vieux fou de duc de Wellington ». Elle enrage… « Monstres ! Vous, les tories, vous serez punis. Vengeance ! Vengeance ! »
    Lord Melbourne lui-même, dans ses aimables conversations de salon,

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