Vidocq - le Napoléon de la Police
moment, entend
tonner les trois coups de canon. Son évasion est découverte, les portes de la
ville fermées. Il est dans Toulon, prisonnier comme dans une nasse. Marchant au
hasard, il avise une jeune femme près d’une fontaine publique. Elle attend le
client et l’invite à l’accompagner chez elle. Autant là qu’ailleurs !
Vidocq la suit avec empressement. Arrivée dans sa chambre, elle parle du coup
de canon :
« Cela fait plaisir de savoir
qu’il y en a un d’échappé.
— Ah bon ? On dirait que
vous les aimez, remarque Vidocq.
— Pour sûr ! »,
répond la brunette en souriant de toutes ses fossettes.
« Pour toucher la prime sans
doute, la sonde Vidocq, méfiant.
— Je ne mange pas de ce pain
là ! », rétorque la jeune femme furieuse qui le repousse.
« Si tu le rencontrais,
l’aiderais-tu ?
— Je voudrais pouvoir les
sauver tous, déclare fièrement la fille.
— Je suis cet évadé. Dis-moi
comment quitter la ville maintenant ? »
La fille n’en revient pas et lui
saute au cou. Ils descendent ensemble à la recherche d’une solution. Au même
moment, un convoi funèbre passe devant eux.
« C’est ta chance. Le cimetière
est en dehors de la ville », lui dit-elle.
Le cortège étant important, tout le
monde ne peut donc pas se connaître. Vidocq quitte la belle et se perd dans la
file. Pour qu’on ne le croie pas étranger, il lie la conversation avec un vieux
marin. Tous deux célèbrent les vertus du défunt :
« Un si brave homme,
peuchère ! »
Le corbillard sort de la ville salué
par les gardes et gagne le cimetière. Vidocq est tellement heureux qu’il cache
son visage dans son mouchoir et on le console presque de sa douleur. Après une
dernière pelletée de terre sur le cercueil, il quitte la compagnie qui retourne
en ville. Il prend les chemins les plus écartés de la grand-route. Le voilà
libre de nouveau.
Il monte sur les collines qui
dominent la ville. Chaque fois qu’il s’arrête, il aperçoit la rade de Toulon,
toujours identique comme s’il restait sur place. À cinq heures du soir avisant
un petit bois, il veut y entrer et se heurte à un homme le fusil à la main. Un
chasseur de prime. Feignant l’indifférence, Vidocq le surveille. À l’évidence,
l’homme fait de même. Au bout d’un instant, Vidocq demande :
« Est-ce bien la route
d’Aix ?
— La traverse ou la
grand-route ? insiste le chasseur.
— Aucune importance, ça m’est
égal », répond Vidocq pour écarter les soupçons.
« Et bien, suivez ce sentier,
il mène droit au poste de gendarmerie. Si vous aimez la compagnie, vous serez
servi ! »
Vidocq ne peut s’empêcher de pâlir.
L’autre s’en aperçoit :
« Je vois que vous ne tenez pas
à labourer la grand-route. Si vous avez le temps accompagnez-moi, je vous
conduirai à Pourrières, c’est à deux lieues d’Aix. »
Vidocq, comme un homme qui voyage
pour son plaisir accepte d’attendre. Il voit son compagnon se glisser dans les
buissons. Il le suit sans faire de bruit mais un craquement dans ce maquis très
sec le dénonce.
« Eh bien monsieur ! vous
avez donc peur que je vous livre. » Et son étrange compagnon l’invite à
s’asseoir à ses côtés. Ils semblent faire le guet. Le soir venu une
malle-poste, escortée par quatre gendarmes, s’arrête et tous les gendarmes y
montent.
« Partons, rien à faire pour ce
soir. Le coup est manqué. Suivez-moi », grommelle son compagnon,
manifestement désappointé. Ils marchent à la belle étoile jusqu’à une bastide
isolée. Toute une bande y est rassemblée qui regarde Vidocq dévorer son repas
aussitôt attablé. Son compagnon se présente : Roman. Il est le chef des
réfractaires à la conscription. Pas question de s’engager dans les armées de la
république et impossible de retourner chez eux où on les arrêterait. Ils vivent
donc d’attaques de diligences et de coups de main contre les transports de
fonds.
La « Postale » de tout à
l’heure transportait la solde des gendarmes, c’était une bonne proie, malheureusement
trop bien gardée. Le coup est reporté à plus tard. On lui offre de se joindre
au groupe. Vidocq qui ne songe qu’à mettre le maximum de distance entre lui et
le bagne, ne tient pas du tout à être pris dans une troupe qui dévalise les
voyageurs. Il a entendu parler des fameux « compagnons de Jehu » ou
de Jésus et autres « chevaliers du soleil ». Ils écument
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