Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II
et qu'on le fera à force de bras.—Je désirerois, cependant, comme vous, que nos armées se servissent de piques, et même d'arcs et de flèches. Ce sont de très-bonnes armes qu'on a follement négligées.
On doit se servir d'arcs et de flèches :
1o. Parce qu'un homme peut ajuster son coup avec un arc, aussi bien qu'avec un fusil.
2o. Il peut faire partir quatre flèches dans le même temps qu'il lui faut pour tirer un coup de fusil et recharger.
3o. L'objet qu'il doit viser n'est point dérobé à sa vue, par la fumée du côté duquel il combat.
4o. Un nuage de flèches, que l'ennemi voit venir, l'intimide, le trouble, l'empêche d'être attentif à ce qu'il fait.
5o. Une flèche qui perce un homme en quelque partie de son corps que ce soit, le met hors de combat, jusqu'à ce qu'on la lui ait arrachée.
6o. On se procure plus aisément des arcs et des flèches, que des fusils, de la poudre et du plomb.
Polydore-Virgile, en parlant d'une bataille entre les Français et les Anglais, sous le règne d'Edouard III, fait mention du désordre dans lequel fut jetée l'armée française, par un nuage de flèches [Sagittarum nube.], que lui envoyèrent les Anglais, et qui leur donna la victoire [Il conclut par ces mots : Est res profectò dictu mirabilis, ut tantus ac potens exercitus à solis ferè anglicis sagittariis victus fuerit ; adeo anglus est sagittipotens, et id genus armorum valet.].—Si les flèches fesoient tant d'effet quand les hommes étoient couverts d'une armure difficile à pénétrer, combien plus elles en feraient à présent, que cette armure est hors d'usage !
Je suis bien aise que vous soyez revenu à New-York : mais je voudrois que vous pussiez être au Canada. Ici, les esprits sont maintenant en suspens, dans l'attente des propositions que doit faire l'Angleterre.
Je ne crois pas qu'elle en fasse une seule que nous puissions accepter. Quand on en aura une preuve évidente, les Américains seront plus d'accord entr'eux et plus décidés. Alors votre proposition de former une ligue solemnelle sera mieux accueillie, et peut-être adoptera-t-on la plupart de nos autres mesures hardies.
Vos lettres me font toujours un grand plaisir : mais j'ai de la peine à m'en croire digne, car je suis un bien mauvais correspondant. Mes yeux ne me permettent plus d'écrire que très-difficilement à la lumière ; et les jours sont à présent si courts et j'ai tant d'affaires depuis quelque temps, que je suis rarement assis dix minutes, sans qu'on vienne m'interrompre.
Dieu vous donne des succès !
B. Franklin.
COMPARAISON DE LA CONDUITE DES ANTI-FÉDÉRALISTES DES ÉTATS-UNIS DE L'AMÉRIQUE, AVEC CELLE DES ANCIENS JUIFS.
Un zélé partisan de la constitution fédérative dit dans une assemblée publique :—«Qu'une grande partie du genre-humain avoit tant de répugnance pour un bon gouvernement, qu'il étoit persuadé que si un ange nous apportoit du ciel une constitution qui y aurait été faite exprès pour nous, elle trouveroit encore de violens contradicteurs».—Cette opinion parut extravagante ; l'orateur fut censuré ; et il ne se défendit point.
Probablement il ne lui vint pas tout-à-coup dans l'esprit que l'expérience étoit à l'appui de ce qu'il avoit avancé, et qu'elle se trouvoit consignée dans la plus fidèle de toutes les histoires, la Sainte Bible. S'il y eût songé, il aurait pu, ce me semble, s'étayer d'une autorité aussi irréfragable.
L'être suprême se plut à élever une seule famille, et son attentive providence la combla de bienfaits jusqu'à ce qu'elle devînt un grand peuple. Après avoir délivré ce peuple de l'esclavage, par une suite de miracles, que fit son serviteur Moyse, il remit lui-même à ce serviteur choisi, en présence de toute la nation, une constitution et un code de loix, et il promit de récompenser ceux qui les observeroient fidèlement, et de punir avec sévérité ceux qui leur désobéiroient.
La divinité elle-même étoit à la tête de cette constitution ; c'est pourquoi les écrivains politiques l'ont appelée une théocratie. Mais malgré cela les ministres de Dieu ne purent parvenir à la faire exécuter. Aaron et ses enfans composoient, avec Moyse, le premier ministère du nouveau gouvernement.
L'on auroit pensé que le choix d'hommes qui s'étoient distingués pour rendre la nation libre, et avoient hasardé leur vie en s'opposant ouvertement à la volonté d'un puissant monarque, qui vouloit la retenir dans l'esclavage, auroit
Weitere Kostenlose Bücher