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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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exclamations. Les visons eux-mêmes
semblent se dévorer. Je voudrais disparaître, m'enfouir dans une jarre en terre
cuite jusqu'à la fin des fins. Puis je me cache près des balais en fibres de
bambous et des parapluies... Des gens costumés passent sans me voir.
    Perdu
dans la quincaillerie, j'ôte mon sourire, je range mes poignées de main comme
un clown dans sa loge et regarde à nouveau les murs sur lesquels trente
crochets attendent, seuls et froids, comme à l'étal d'un boucher.

 
     
    II
     
     
    NUIT BLANCHE
     
     
     
    Tous
les jours, je vais à l'agence, j'écoute, j'apprends beaucoup. Je sais qu'un
jour le Turc m'enverra sur un « coup ».
    Tout
le monde, dans cette boîte un peu folle, est très gentil avec moi. Alex,
Thierry, Francis m'encouragent à m'accrocher et, surtout, on me considère comme
un photographe parmi - les autres. L'agence est à l'étage, au deuxième. Quand
j'arrive, je siffle, aussitôt trois gars descendent, deux pour me porter tandis
que le troisième prend mon fauteuil dans ses bras comme un vieux chien. Pendant
l'année et demie que je fréquenterai l'agence, il n'y aura jamais le moindre
problème — si ce n'est les reportages que l'on ne me donne pas, que je dois
chercher moi-même; mais je ne suis pas le seul : la plupart des free lances se débrouillent, pour trouver eux-mêmes leurs sujets.
    Je
vis dans le tourbillon de l'actualité, je me prépare à sauter dans un avion
pour couvrir le « gros morceau » avec télex, expédition par voie rapide dans la
poche du pilote de ligne, et motard à l'arrivée. Je vis dans un tourbillon de
rêves qui s'agitent dans ma tête sans vouloir jamais se réaliser et puis, un
soir, le vent tourne, je sens que le gros coup est pour moi.
    Lors
d'un dîner dans un appartement de banlieue, chez des amis, je rencontre un
garçon qui me dit faire de l'entraînement de vélo en tandem avec un aveugle. Il
l'entraîne, précise-t-il, par le biais du cyclisme parce que cet aveugle
participe à des compétitions de ski de fond et prépare les premières Olympiades
d'hiver des handicapés physiques qui auront lieu dans deux mois en Suède.
L'équipe de France y envoie une trentaine de compétiteurs, hommes et femmes.
    Le
voilà, mon reportage! Et personne n'est au courant !
    Le
lendemain, je me précipite à l'agence pour en parler au Turc. Il se montre tout
de suite d'accord pour payer la moitié des frais.
    «
Mais j'espère que tu as ce qu'il te faut comme matériel, parce qu'on ne peut
rien te passer.
    —
Ça ira », ai-je répondu.
    Mais
s'il savait ! Trois optiques : un 28, un 50, un zoom 70 x 210. C'est tout!
    Avant
de partir, je prends rendez-vous avec l'athlète. Il s'appelle Guy et il a
quarante ans. Il travaille à la clinique des aveugles du boulevard Haussmann.
    Je
garde précieusement toutes ces informations pour moi, et nous nous rencontrons
dans une boutique près de la clinique.
    Il
entre, veste de mouton, lunettes noires sur le nez, un nez un peu cabossé de
lutteur. Aussitôt, il me déclare qu'il est très heureux de me rencontrer mais
que je vais être déçu parce qu'il ne participera pas à ces Olympiades.
    «
Quoi, que se passe-t-il ?
    -
Je me suis blessé lors d'un des derniers week-ends d'entraînement de ski. Je
suis sorti de la piste et me suis fracassé le nez et les dents contre un
poteau. Je me suis aussi ouvert le front. Ça fait que j'ai perdu un mois, et un
mois de préparation à la veille des Jeux, c'est la fin. Je n'ai pas pu
reprendre l'entraînement. Pour moi c'est foutu... Tu comprends, c'est sérieux
ce truc-là, je n'ai plus la condition.
    -
Ah! Ça non, il n'en est pas question! Ecoute- moi, Guy, tu t'entraînes depuis
des années et maintenant tu cales à cause de quelques dents qui te gênent pour
mâcher ta viande ? Tu vas reprendre l'entraînement; tu as toutes les chances, et
je serai là à te regarder, Guy, parce que je n'ai plus que mes yeux pour
attaquer la montagne. Alors vas-y ! Vas-y pour moi !»
    Sur
ma lancée, j'écris au colonel Bigeard, qui a offert d'affréter un avion
militaire pour transporter l'équipe de France. Accepterait-il que je sois
embarqué comme photographe! Il me répond quelques jours plus tard que cela ne
pose aucun problème, que je ferai partie du convoi et que dans l'avenir, si
j'ai besoin de quoi que ce soit, je peux compter sur lui.
    J'entre
aussi en contact avec la Fédération de sport pour handicapés physiques. Le
président Avronsart accueille avec

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