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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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pénitencier Leclerc. On va jouer avec eux demain. Il y a des taulards,
paraît-il, drôlement forts. Ils font aussi beaucoup de sport. Il y en a même un
qui est sélectionné pour les Jeux en haltérophilie. Tu te rends compte? Il va
sortir juste pour les compétitions. Ensuite il regagnera la prison. »
    Bon sang ! Tout net, sans eau, servi sec
dans ma main, mon scoop est là! Je ferai les photos du taulard, l'interviewerai dans la prison puis à
l'entraînement et ensuite dans le stade. Je vois déjà sur les couvertures de
magazines : « Le taulard médaillé d'or », avec hymne national, félicitations et
embrassades, puis retour entre deux gardiens derrière les barreaux.
    « Michel, peux-tu me faire entrer au pénitencier?
    — T'en fais pas, Patrick, je m'en occupe. »
Le lendemain, à trois heures de l'après-midi, nous longeons le grillage barbelé
d'une bâtisse ultramoderne, puis nous nous retrouvons devant le bureau des
gardiens. On nous fouille comme à l'entrée d'un stade olympique et on nous fait
pénétrer dans une salle d'attente où le responsable du pénitencier vient nous
rejoindre.
    Mais le voici qui m'aperçoit et me tend sa
grande «  menotte» :
    « Bonjour, monsieur Patrick Segal, comment
allez-vous? »
    Michel et ses copains me regardent,
suffoqués. Avec un air de flagrant délit, je leur balance une excuse :
    « J'ai déjà séjourné ici ! » Défait, les
uns après les autres, les gardiens me reconnaissent et viennent me serrer la
main.
    Les copains de Michel me regardent en
silence... Enfin, Michel éclate de rire : il lui aura tout de même fallu une
bonne minute pour faire le rapprochement avec l'émission de Lyse Paillette !
    C'est bon, le responsable est de mon côté.
Il ne me reste plus qu'à ouvrir l'œil. L'intérieur du pénitencier me rappelle
le collège où j'étais pensionnaire. Sauf qu'il y a ici un stade pour Je hockey,
le foot, le basket et l'haltérophilie.
    Nous traversons une allée bordée
d'appareils de musculation sous lesquels des hercules couverts de cicatrices et
de tatouages s'entraînent. Je cherche mon athlète mais je me tais. Mieux vaut attendre
avant de poser des questions.
    Nous arrivons sur le terrain de boules. Des
groupes se forment autour de nous. Puis, tout doucement, sans avoir l'air de
rien et sans trop faire crisser mes pneus, je me rapproche des haltérophiles.
En haut d'une montagne de muscles, une bouche se tord, se contracte et hurle.
La barre se plie légèrement, il y a bien deux cents kilos. Si c'était mon
champion ?
    « Ça t'intéresse, l'haltéro? me demande un
grand gaillard à la barbe grise.
    - Oui, plutôt. Ça doit être un champion, ce
type-là!
    - Lui ? Ouais, pas mal ! Mais l'autre...
    - Ah ! bon. Qui c'est l'autre ?
    - Une bête. Une bête de puissance.
    - Et il s'entraîne pas avec les autres ?
    - Ben... en ce moment, il s'entraîne plus tellement.
    - Hé ! raconte-moi un peu.
    - Il est mort.
    - Quoi ! mort ?
    - Il les aurait tous battus si on lui avait
pas fait la peau.    - Mais raconte-moi ! Comment c'est arrivé ?
    - Ben, il est sorti ce matin pour aller à
l'entraînement et puis il s'est fait descendre. Un règlement de compte. Les
gardiens qui le surveillaient n'ont pas eu le temps de dégainer. Il les aurait
tous plantés, les champions. T'imagines, un peu, petit? Un taulard champion olympique!
On aurait été un peu fiers, nous autres. On est, paraît-il, que de la
pourriture; y'z'auraient vu qu'il y a pas de pourriture dans nos muscles.
Tiens, moi, par exemple... »
    Et il me raconte comment il a tué sa femme.
Il ne savait pas qu'il la tuait. Il avait bu, comment pouvait-il savoir ? Il
s'en souvenait à peine. C'était pas sa vraie faute, il savait pas ce qu'il
faisait, c'était l'alcool. Et puis’ il m'explique combien il transpirait en
travaillant dans le bois. C'est la transpiration qui le faisait boire. C'est le
boulot qui le forçait à boire. « Et puis la bière c'est bon, très bon et c'est
la seule chose qu'on donnait pendant le boulot, là-haut, dans le bois. »
    Voilà un fameux scoop qui me file entre
les doigts. Tant pis, je vais sortir un boîtier et faire quelques images. Mais
je n'ai pas le temps de dégainer, un gardien a déjà fondu sur moi.
    « Non, monsieur, c'est interdit !
    - Juste une photo pour le souvenir !
    - Non, monsieur, il faut faire une demande
écrite auprès du directeur. »
    Je reviens près des boulistes; peut-être
que là, dans le groupe, j'aurai plus de chance. Un

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