Vies des douze Césars
qu’après le seul revers éprouvé par eux près de Dyrrachium, ils demandèrent eux-mêmes à être châtiés, et leur général dut plutôt les consoler que les punir. Dans les autres batailles, ils défirent aisément, malgré leur infériorité numérique, les innombrables troupes qui leur étaient opposées. (6) Une seule cohorte de la sixième légion, chargée de la défense d’un petit fort, soutint pendant quelques heures le choc de quatre légions de Pompée, et périt presque tout entière sous une multitude de traits : on trouva dans l’enceinte du fort cent trente mille flèches. (7) Tant de bravoure n’étonnera pas, si l’on considère les exploits individuels de quelques-uns d’entre eux : je ne citerai que le centurion Cassius Scaeva et le soldat Gaius Acilius. (8) Scaeva, quoiqu’il eût l’œil crevé, la cuisse et l’épaule traversées, son bouclier percé de cent vingt coups, n’en demeura pas moins ferme à la porte d’un fort dont on lui avait confié la garde. (9) Acilius, dans un combat naval près de Marseille, imita le mémorable exemple donné chez les Grecs par Cynégire : il avait saisi de la main droite un vaisseau ennemi ; on la lui coupa ; il n’en sauta pas moins dans le vaisseau, en repoussant à coups de bouclier tous ceux qui faisaient résistance.
LXIX. Sa fermeté devant ses troupes séditieuses
(1) Pendant les dix années de la guerre des Gaules, il ne s’éleva aucune sédition dans l’armée de César. Il y en eut quelques-unes pendant la guerre civile ; mais il les apaisa sur-le-champ, et par sa fermeté bien plus que par son indulgence ; (2) car il ne céda jamais aux mutins, et leur tint toujours tête. Près de Plaisance, il licencia ignominieusement toute la neuvième légion, quoique Pompée fût encore sous les armes, et ce ne fut qu’avec beaucoup de peine, ce ne fut qu’après les plus nombreuses et les plus pressantes supplications, qu’après le châtiment des coupables, qu’il consentit à la rétablir.
LXX. Il apaise d’un seul mot une révolte
(1) À Rome, les soldats de la dixième légion réclamèrent un jour des récompenses et leur congé, en proférant d’effroyables menaces, qui exposaient la ville aux plus grand dangers. Quoique la guerre fût alors allumée en Afrique, César, que ses amis essayèrent en vain de retenir, n’hésita pas à se présenter aux mutins et à les licencier. (2) Mais avec un seul mot, en les appelant citoyens au lieu de soldats, il changea entièrement leurs dispositions : « Nous sommes des soldats, » s’écrièrent-ils aussitôt ; et ils le suivirent en Afrique malgré son refus ; ce qui ne l’empêcha pas d’enlever aux plus séditieux le tiers du butin et des terres qui leur étaient destinées.
LXXI. Son zèle pour ses clients
Son zèle et sa fidélité envers ses clients éclatèrent même dans sa jeunesse. Il défendit Masintha, jeune homme d’une naissance distinguée, contre le roi Hiempsal, et avec tant d’opiniâtreté, que, dans la chaleur de la discussion, il saisit par la barbe Juba, fils de ce roi. Après le jugement qui déclara son client tributaire d’Hiempsal, il l’arracha des mains de ceux qui l’entraînaient, et le cacha longtemps dans sa maison ; enfin, lorsqu’il partit pour l’Espagne, à l’issue de sa préture, il l’emmena dans sa litière, sous la protection de ses licteurs et des nombreux amis qui lui faisaient cortège.
LXXII. Son dévouement à ses amis
(1) Il traita toujours ses amis avec des égards et une bonté sans bornes. Gaius Oppius, qui l’accompagnait dans un chemin agreste et difficile, étant tombé subitement malade, César lui céda la seule cabane qu’ils trouvèrent, et coucha en plein air, sur la dure. (2) Quand il fut parvenu au souverain pouvoir, il éleva aux premiers honneurs même des hommes de la plus basse naissance ; et comme on le lui reprochait, il répondit publiquement : « Si des brigands et des assassins m’avaient aidé à défendre ma dignité, à eux aussi je témoignerais la même reconnaissance. »
LXXIII. Sa facilité à pardonner les outrages
(1) Jamais, d’un autre côté, il ne conçut d’inimités si fortes, qu’il ne les abjurât volontiers si l’occasion s’en présentait. (2) Gaius Memmius l’avait attaqué, dans ses discours, avec un extrême véhémence, et César lui avait répondu par écrit avec autant d’emportement ; mais il l’aida plus tard de tout son
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