Vies des douze Césars
à la royauté eût si peu de succès, ou, comme il le prétendait, qu’on lui eût ravi la gloire du refus, apostropha durement les tribuns, et les dépouilla de leur pouvoir. (3) Jamais il ne put se laver du reproche déshonorant d’avoir ambitionné le titre de roi, quoiqu’il eût répondu un jour au peuple, qui le saluait de ce nom : « Je suis César et non pas roi, » et qu’aux Lupercales il eût repoussé et fait porter au Capitole, sur la statue de Jupiter Très Bon et Très Grand, le diadème que le consul Antoine essaya, à plusieurs reprises, de placer sur sa tête, dans la tribune aux harangues. (4) Bien plus, différents bruits coururent : il devait, disait-on, transporter à Alexandrie ou à Troie les richesses de l’empire, après avoir épuisé l’Italie par des levées extraordinaires, et laissé à ses amis le gouvernement de Rome. On ajoutait qu’à la première assemblée du sénat, le quindécemvir Lucius Cotta devait proposer de donner à César le nom de roi, puisqu’il était écrit dans les livres Sibyllins que les Parthes ne pouvaient être vaincus que par un roi.
LXXX. Conjuration tramée contre lui. Dispositions du peuple
(1) Les conjurés, craignant d’être obligés de donner leur assentiment à cette proposition, y virent une raison de hâter l’exécution de leur entreprise. (2) Ils se réunirent donc tous, et mirent en commun des résolutions jusqu’alors distinctes et qui n’avaient été conçues que dans des réunions de deux ou trois personnes. Le peuple même était alors mécontent de la situation de l’État ; il laissait voir en toute occasion sa haine pour la tyrannie, et demandait des libérateurs. (3) Quand César admit des étrangers au sénat, on placarda l’affiche : « À tous, salut ; que personne ne montre aux nouveaux sénateurs le chemin du sénat. » On chanta aussi dans les rues de Rome :
Après avoir triomphé des Gaulois, César les fait entrer à la curie,
Les Gaulois ont quitté leurs braies pour prendre le laticlave.
(4) Au théâtre, le licteur ayant annoncé, selon l’usage, l’entrée du consul Quintus Maximus, que César avait nommé suppléant pour trois mois, on lui cria de tous côtés « qu’il n’était pas consul. » (5) Après la destitution des tribuns Caesetius et Marullus, on trouva, à la première assemblée des comices, beaucoup de bulletins qui les nommaient consuls. (6) On écrivit sous la statue de Lucius Brutus : « Plût aux dieux que tu vécusses !» et sous celle de César :
Brutus, pour avoir chassé les rois, a, le premier, été fait consul ;
Cet homme, pour avoir chassé les consuls, a finalement été fait roi.
(7) Le nombre des conjurés s’élevait à plus de soixante ; Gaius Cassius et les deux Brutus (Marcus et Decimus) étaient les chefs. (8) Ils délibérèrent d’abord si, divisant leurs forces, les uns le précipiteraient du pont, pendant les comices du champ de Mars et au moment où il appellerait les tribus aux suffrages, tandis que les autres l’attendraient en bas pour le massacrer, ou bien s’ils l’attaqueraient dans la voie Sacrée ou à l’entrée du théâtre. Mais une réunion du sénat ayant été annoncée pour les ides de mars dans la curie de Pompée, ils s’accordèrent tous à ne point chercher de moment ni de lieu plus favorables.
LXXXI. Présages de sa mort
(1) Cependant des prodiges manifestes annoncèrent à César le meurtre qui allait avoir lieu. Quelques mois auparavant, les colons conduits à Capoue en vertu de la loi Julia, voulant bâtir des maisons de campagne, détruisirent des tombeaux très anciens, et avec d’autant plus d’empressement qu’ils découvraient, en les explorant, une quantité de vases d’un travail ancien. Ils trouvèrent, dans un tombeau où était, dit-on, enseveli Capys, fondateur de Capoue, une tablette de bronze qui portait, en caractères grecs et dans cette langue, une inscription ainsi conçue : « Quand on aura découvert les ossements de Capys, un descendant d’Iule périra de la main de ses proches, et sera bientôt vengé par les malheurs de l’Italie. » (3) Pour qu’on ne croie pas que c’est là une fable inventée à plaisir, je citerai mon autorité, Cornelius Balbus, un ami très intime de César. (4) Quelques jours avant sa mort, ce dernier apprit que les troupes de chevaux qu’il avait consacrés aux dieux avant de passer le Rubicon, et qu’il avait laissés errer sans
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