Vies des douze Césars
crédit dans la poursuite du consulat. (3) Gaius Calvus, qui l’avait accablé d’épigrammes diffamatoires, cherchant à se réconcilier avec lui par l’entremise de ses amis, César, par un généreux mouvement lui écrivit le premier. (4) Il avouait que Valerius Catullus, dans ses vers sur Mamurra, l’avait marqué d’une flétrissure ineffaçable ; et pourtant quand le poète s’excusa, il l’admit le jour même à sa table. Il n’avait pas même interrompu les relations d’hospitalité qui l’unissaient au père du poète.
LXXIV. Sa douceur, même dans la vengeance
(1) Il était fort doux de nature, même dans ses vengeances. Quand il eut pris, à son tour, les pirates dont il avait été le prisonnier, et auxquels il avait alors juré de les mettre en croix, il ne les fit attacher à cet instrument de supplice qu’après les avoir fait étrangler. (2) Il ne voulut jamais se venger de Cornelius Phagita, qui lui avait tendu toutes sortes d’embûches, à l’époque où, pour échapper à Sylla, il était obligé, quoique malade, de changer toutes les nuits de retraite, et qui n’avait cessé de l’inquiéter qu’au prix d’une forte récompense. (3) Il pouvait livrer à d’affreux tourments Philémon, son esclave et son secrétaire, qui avait promis à ses ennemis de l’empoisonner ; il se contenta de le faire mourir. (4) Appelé en témoignage contre Publius Clodius, qui était à la fois accusé de sacrilège et convaincu d’adultère avec Pompeia, sa femme, il affirma ne rien savoir, quoique sa mère Aurélia et sa sœur Julie eussent fidèlement déclaré aux mêmes juges toute la vérité ; et comme on lui demandait pourquoi donc il avait répudié Pompeia : « C’est, dit-il, parce que je veux que les miens soient aussi exempts de soupçon que de crime. »
LXXV. Sa clémence et sa modération
(1) Mais c’est surtout pendant la guerre civile et après ses victoires qu’il fit admirer sa modération et sa clémence. (2) Pompée avait dit qu’il tiendrait pour ennemis ceux qui ne défendraient pas la république ; César déclara qu’il regarderait comme amis les indifférents et les neutres. (3) D’autre part il autorisa tous ceux à qui il avait donné des grades sur recommandation de Pompée, à passer dans l’armée de son rival. (4) Au siège d’Ilerda, il s’était établi entre les deux armées des relations amicales, à la faveur des négociations entamées par les chefs pour la reddition de cette place. Afranius et Petreius, abandonnant tout à coup ce projet, firent massacrer ceux des soldats de César qui se trouvèrent dans leur camp ; mais cet acte de perfidie ne put le déterminer à user de représailles. (5) À la bataille de Pharsale, il cria « qu’on épargnât les citoyens, » et il n’y eut pas un soldat à qui il ne permît de sauver, dans le parti contraire, celui qu’il voudrait. (6) On ne voit pas non plus qu’aucun de ses ennemis ait péri autrement que sur le champ de bataille, excepté Afranius, Faustus et le jeune Lucius César ; encore ne croit-on pas qu’ils aient été tués par ses ordres. Et cependant les deux premiers s’étaient armés contre lui, après en avoir obtenu leur pardon ; et le troisième avait fait cruellement périr, par le fer et par le feu, les esclaves et les affranchis de son bienfaiteur, et avait égorgé jusqu’aux bêtes achetées par César pour les spectacles de Rome. (7) Enfin, dans les derniers temps, César permit à tous ceux à qui il n’avait pas encore pardonné, de revenir en Italie, et d’y exercer des magistratures et des commandements. Il releva même les statues de Lucius Sylla et de Pompée, que le peuple avait abattues. Apprenait-il qu’on méditait contre lui quelque projet sinistre ou qu’on en parlait mal, il aimait mieux contenir les coupables que de les punir. (8) Ainsi, ayant découvert des conspirations et des assemblées nocturnes, il se borna, pour toute vengeance, à déclarer, par un édit, qu’il était au courant. À ceux qui le critiquaient avec aigreur, il se contentait de donner en pleine assemblée le conseil de ne pas continuer. Il souffrit même, sans se plaindre, qu’Aulus Caecina déchirât sa réputation dans un libelle des plus injurieux, et Pitholaüs dans un poème des plus diffamatoires.
LXXVI. Son orgueil. Son despotisme
(1) L’emportent néanmoins dans la balance des actions et des paroles qui prouvent chez lui l’abus de la
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