Vies des douze Césars
barbe et ses cheveux plusieurs mois de suite, et qu’il se frappait de temps en temps la tête contre la porte, en s’écriant : « Quintilius Varus, rends-moi mes légions ». L’anniversaire de cette défaite fut toujours pour lui un jour de tristesse et de deuil.
XXIV. Ses règlements militaires
(1) Il fut l’auteur de beaucoup de changements et d’établissements relatifs à l’état militaire. Il ressuscita en plusieurs points les anciennes coutumes, (2) et maintint la discipline avec une extrême sévérité. Il ne permit à ses lieutenants de venir voir leurs femmes qu’en hiver, et avec beaucoup de difficulté. (3) Un chevalier romain avait coupé les pouces à ses deux fils adolescents pour les dispenser du service. Il fit vendre à l’encan ses biens et sa personne. Mais, voyant que les fermiers publics se pressaient de l’acheter, il l’adjugea à son affranchi, afin qu’il fût relégué dans les champs où cet affranchi le laisserait vivre en liberté. (4) Il licencia ignominieusement la dixième légion qui s’était mutinée. Il donna le congé à d’autres qui le demandaient avec insolence, sans leur accorder les récompenses assurées aux vétérans. Il décima des cohortes qui avaient lâché pied, et les nourrit d’orge. (5) Il punit de mort des centurions, comme de simples soldats, pour avoir quitté leur poste. Il appliquait aux autres délits diverses peines infamantes : tantôt il condamnait les coupables à rester debout, toute la journée, devant la tente du général, en tunique flottante ; tantôt il leur mettait à la main une toise ou une touffe de gazon.
XXV. Sa conduite envers ses soldats. Ses adages militaires
(1) Depuis les guerres civiles, il n’appela jamais ses soldats « compagnons », ni dans ses harangues, ni dans ses édits ; il les qualifiait seulement de « soldats ». Il ne souffrit pas que ses fils ou ses beaux-fils, quand ils eurent le commandement, employassent une autre dénomination. Il trouvait que le nom de compagnons était une flatterie qui ne convenait ni au maintien de la discipline, ni à l’état de l’empire, ni à la majesté des Césars. (2) Si l’on en excepte les incendies ou les émeutes, occasionnées dans Rome par la cherté des vivres, il ne se servit d’esclaves affranchis comme soldats que deux fois seulement : la première, pour la défense des colonies voisines de l’Illyrie ; la seconde, pour protéger les rives du Rhin. C’étaient des esclaves que les personnes les plus riches des deux sexes eurent ordre d’acheter et d’affranchir sur-le-champ. Ils étaient placés à la première ligne, distingués des hommes libres, et armés différemment. (3) En fait de récompenses militaires, Auguste donnait plus facilement des harnais, des colliers, et toutes sortes d’objets en or ou en argent, que des couronnes obsidionales ou murales, qui étaient bien plus distinguées. Quoiqu’il en fût avare, et qu’il ne cherchât pas à plaire, il les accordait souvent à de simples soldats. (4) Après sa victoire navale en Sicile, il fit présent à Agrippa d’un drapeau de couleur de mer. Les généraux qui avaient triomphé, quoiqu’ils eussent pris part à ses expéditions et contribué à ses victoires, furent les seuls qu’il ne jugea pas à propos de gratifier de ces récompenses, parce qu’ils avaient eux-mêmes eu le droit de les distribuer comme ils voulaient. (5) Rien ne convenait moins, selon lui, à un parfait capitaine que la précipitation et la témérité. Aussi répétait-il souvent ce proverbe grec : « Hâte-toi lentement » ; et cet autre : « Mieux vaut un chef prudent qu’un chef audacieux. » Enfin celui-ci : « On fait assez vite, quand on fait bien ». (6) Il disait qu’il ne fallait ni entreprendre une guerre ni engager un combat, que lorsqu’il y avait plus à gagner en cas de victoire, qu’à perdre en cas de défaite. Il comparait ceux qui hasardent beaucoup pour gagner peu, à des pêcheurs qui se serviraient d’un hameçon d’or dont la perte ne pourrait être compensée par aucune capture.
XXVI. Ses consulats
(1) Les magistratures et les honneurs lui arrivèrent avant le temps ; il en eut même quelques-uns de création nouvelle, et de perpétuels. (2) Dès sa vingtième année, il s’empara du consulat, en faisant marcher ses légions sur Rome, et en envoyant demander cette dignité, au nom de l’armée. Le sénat hésitait. Le centurion Cornélius, qui
Weitere Kostenlose Bücher